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L’ENGLOUTIE

Par une nuit de tempête de 1899, Aimée, jeune institutrice républicaine, arrive dans un hameau enneigé aux confins des Hautes-Alpes. Malgré la méfiance des habitants, elle se montre bien décidée à éclairer de ses lumières leurs croyances obscures. Alors qu’elle se fond dans la vie de la communauté, un vertige sensuel grandit en elle. Jusqu’au jour où une avalanche engloutit un premier montagnard…

Critique du film

Tourné en plein hiver, à près de 2000m mètres d’altitude, ce film vernaculaire mélange des acteurs professionnels et des montagnards du cru, mais aussi le français et le patois occitan-alpin. La montagne, crainte et sacrée, l’habite totalement et lui confère la rudesse imprévisible et l’inhospitalité de son atmosphère. Au milieu de ces sommets enneigés, L’engloutie, premier film de Louise Hémon, nous fait ressentir le froid auquel résiste, tant bien que mal, un feu continu, celui qui chauffe les chalets comme celui qui consume Aimée de l’intérieur. 

Pour reproduire les conditions de vie dans les Hautes-Alpes rugueuses du début du 20e siècle, la réalisatrice formée au documentaire a opté pour une direction artistique réaliste, notamment en termes de lumière. Dans cette économie de moyens qui sert l’histoire autant que la production, chaque scène est éclairée naturellement, ou donne l’impression de l’être, grâce à l’hypersensibilité des caméras numériques d’aujourd’hui qui captent les reflets naturels, un paradoxe qui permet de repenser le film d’époque. Chaque élément de la mise en scène expose le soin apporté aux détails. Les gros plans, des respirations, les regards ou le vent, immergent les spectateurices dans cette ambiance où l’on sent poindre une menace toujours plus proche.

Délicat en apparence, L’Engloutie est aussi un film subtil, parfois trop pour son propre bien, notamment quant à la tension entretenue avec les deux personnages masculins, Pépin et Tenoch (joués par Matthieu Lucci et Samuel Kircher) qui aurait gagné à être plus étoffée. Pour autant, l’une des nombreuses réussites de ce scénario (fruit d’une collaboration entre Louise Hémon et Anaïs Tellenne, elle-même réalisatrice de L’Homme d’argile), tient dans la figure de l’intrigante Aimée. 

L'engloutie

Excellente dans La condition, Galatea Bellugi prête ici ses airs angéliques et son regard d’acier à ce personnage mystérieux, aussi sage que burlesque. L’évolution de l’institutrice, arrivée au cœur d’une nuit glaciale, est fascinante dans la manière qu’elle a de dévoiler sa complexité. La vision en plan large de cette femme portant une robe d’un noir profond au milieu de la blancheur pure d’un paysage enneigé constitue une image de cinéma très forte. La caméra de Louise Hémon avance avec une grande assurance dans ce western montagnard chargé d’une fiévreuse tension sexuelle, à l’intrigue agissant comme une engelure dont l’intensité augmentera de minute en minute.

Auréolé cette année du prestigieux Prix Jean Vigo après sa présentation à Cannes lors de la Quinzaine des cinéastes, L’Engloutie est un premier long-métrage très prometteur. Filmé avec une rigueur qui tient de l’artisanat, ce sujet rarement évoqué, aux accents folkloriques, emprunte autant à la mythologie qu’à la figure mystique de la sorcière, et nous plonge dans un conte cruel et macabre à la beauté saisissante. 

Bande-annonce

24 décembre 2025 – De Louise Hémon