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KIKA

Alors qu’elle est enceinte, Kika perd brutalement l’homme qu’elle aime. Complètement fauchée, elle en vient à vendre ses petites culottes, avant de tenter sa chance dans un métier… déconcertant. Investie dans cette activité dont elle ignore à peu près tout, Kika entame sa remontée vers la lumière.

Critique du film

Révélée par ses documentaires, Alexe Poukine fait ses débuts à la fiction avec Kika et impose d’emblée une voix singulière dans le cinéma social européen. Présenté à la Semaine de la critique à Cannes, son premier long-métrage affirme son goût pour les récits ancrés dans le réel et pour les personnages féminins en lutte contre les structures qui les enferment. Influencée par ses travaux documentaires, elle filme les failles de la survie, la charge mentale et émotionnelle des femmes, et la quête d’une forme de dignité dans un monde qui leur refuse souvent toute indulgence.

Kika se retrouve seule, enceinte, confrontée à la disparition brutale de son compagnon. Assistante sociale dans une structure en crise, elle connaît mieux que quiconque les rouages défaillants d’un système incapable de protéger les plus fragiles. Acculée, elle cherche d’autres moyens de subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille et de son enfant à naître. Cette quête la conduit vers le travail du sexe, qu’elle aborde d’abord comme une solution pragmatique, avant d’y trouver un étrange espace de réappropriation et de contrôle.

Kika

Poukine filme ce basculement avec pudeur, sans jamais juger ni moraliser. Là où certains réalisateurs auraient cherché le choc, elle privilégie le trouble, l’ambiguïté, la complexité du geste. Certaines scènes, à la lisière du malaise, confrontent les spectateur·ices à des clients dont les désirs reflètent la solitude et les névroses d’une société en panne d’empathie. Pourtant, dans ces moments dérangeants affleure aussi une humanité inattendue, celle d’une femme qui, même dans la perte de repères, tente de rester vivante.

Alexe Poukine met en lumière la précarité des mères seules, les travailleuses du « care », ces femmes qui portent tout sans jamais s’effondrer, malgré des contraintes de plus en plus écrasantes. Co-écrit avec Thomas Van Zuylen, le scénario sonde la frontière ténue entre choix et contrainte, puissance et vulnérabilité. Porté par la prestation magnétique de Manon Clavel, Kika est un film traversé par la fatigue, la tendresse et la rage contenue. Poukine y capture le chaos intérieur d’une femme en lutte pour rester debout, sans héroïsme ni complaisance. Un premier long-métrage à la fois rugueux et lumineux, où la survie devient un acte de résistance.

Bande-annonce

12 novembre 2025 – De Alexe Poukine