still_Tron-ares

TRON : ARES

L’étonnante aventure d’un Programme hautement sophistiqué du nom de Ares, envoyé du monde numérique au monde réel pour une mission dangereuse qui marquera la première rencontre de l’humanité avec des êtres dotés d’une intelligence artificielle…

CRITIQUE DU FILM

Il est toujours possible d’être surpris par des films dont on devinait pourtant les mauvaises intentions. Lorsque Disney annonça pour la première fois un troisième Tron mené par l’artiste controversé Jared Leto, difficile d’être intrigué, même avec une bande originale signée par le groupe de rock industriel Nine Inch Nails. Mais il ne faut jamais dire jamais : la surprise fut de taille lorsque défila sur l’écran un film encore plus impersonnel que prévu, qu’on sent découpé à la tronçonneuse au montage, débattant avec fébrilité des bienfaits ou des méfaits de l’intelligence artificielle sans jamais en tirer la moindre conclusion.

Tron : Ares souffre d’un défaut immédiat : c’est un produit commercial qui n’a jamais cherché à avoir la moindre envergure. Film algorithmique de fin de catalogue, il semble raboté, composé de pièces dépareillées rassemblées à la hâte par une équipe en perdition. Ce Tron estampillé 2025 se complaît dans un recyclage insipide, délaissant la réflexion, certes ténue mais présente, entre réel et virtuel de Tron : L’Héritage, pour ne s’intéresser qu’à la destinée d’un programme informatique agressif, Arès, obsédé par le désir de devenir humain. Le film prétend ainsi traiter d’intelligence artificielle, d’humanité infiltrée dans les programmes et de notre rapport à un tiers-lieu immatériel dépourvu de frontières physiques. Un vaste panorama, alléchant sur le papier, mais à peine effleuré : Tron : Ares ressemble bien plus à un véhicule de promotion pour la beauté angélique de son protagoniste et la bêtise caricaturale de son antagoniste qu’à une exploration de l’altérité à travers l’IA.

tron ares

Le film assume sans détour la logique libérale de son studio producteur, sabordant les questionnements du premier opus — où, rappelons-le, le personnage de Jeff Bridges était un programmeur marginalisé par une entreprise décidée à monnayer ses créations. Pire encore, Tron : Ares déroule avec le plus grand sérieux le tapis rouge à la nostalgie putassière et au fan service le plus absurde. Disney sait parfaitement ce qu’il fait : en scellant pour la postérité le premier Tron, la firme aux grandes oreilles l’institutionnalise, transformant une œuvre aux sous-textes anarchiques, nourrie par des auteurs libres et marginaux — on pense à Moebius, source majeure d’inspiration du film originel — en un leurre cynique sur lequel capitaliser sans avoir l’air d’y toucher.

Le comble d’un long-métrage censé parler de sensations humaines et de besoin de vivre est que son réalisateur, Joachim Rønning, semble incapable d’insuffler ne serait-ce qu’un fragment d’émotion. Tron : Ares ne sort jamais de son programme ultra-rigide et ne propose aucun imaginaire véritable. Rønning rejoue les décors du premier film, remet au goût du jour quelques armes fantaisistes, mais l’absence criante de grandes séquences d’action dans la Grille ou de moments véritablement épiques transforme les esquisses narratives en anecdotes sans relief.

tron : ares

Le réalisateur norvégien bénéficie toutefois de l’appui précieux de son chef opérateur Jeff Cronenweth, dont le travail sur les textures et la défragmentation des chairs attire la curiosité pendant une trentaine de minutes. Et bien que le casting soit à la dérive — Jared Leto, insipide et souvent hors sujet, n’est plus que l’ombre de lui-même —, Cronenweth parvient à mettre en valeur les corps, à explorer les matières, à nuancer les affrontements colorimétriques évidents (les méchants sont rouges, les gentils sont bleus, et l’univers sature de néons divers).

De même, si la bande originale de Nine Inch Nails n’est pas leur plus grande réussite et fait pâle figure face au travail des Daft Punk pour L’Héritage, elle confère parfois une ampleur vertigineuse à quelques images bien senties. Mais tout cela n’est qu’un écran de fumée, vite dissipé, révélant avec brutalité le désastre flamboyant d’une entreprise coûteuse dont la neutralité cynique rend l’opus tristement ridicule.

BANDE-ANNONCE

8 octobre 2025 – De Joachim Rønning 

Avec Jared LetoGreta LeeEvan Peters