L’ATTACHEMENT
Sandra, quinquagénaire farouchement indépendante, partage soudainement et malgré elle l’intimité de son voisin de palier et de ses deux enfants. Contre toute attente, elle s’attache peu à peu à cette famille d’adoption.
Critique du film
Cinquième long-métrage de la scénariste, écrivaine et réalisatrice Carine Tardieu, L’Attachement est l’adaptation du roman d’Alice Ferney intitulé L’Intimité. Dans ce film, Carine Tardieu traite à nouveau, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, de thèmes qui lui sont chers et qu’elle avait pu développer notamment dans Du vent dans mes mollets ou Ôtez-moi d’un doute, notamment ceux de la famille – dont on hérite, ou que l’on se crée – et des rencontres à priori anodines, mais qui viennent bouleverser le quotidien et les certitudes que l’on traînait avec soi.
Sandra (Valérie Bruni-Tedeschi) est un jour réveillée par ses voisins. La femme doit accoucher et le couple lui confie le petit garçon âgé de six ans, Elliott. Sandra, qui a la cinquantaine et qui gère une librairie féministe, n’a jamais eu d’enfant. Un peu embarrassée au départ, Sandra noue une véritable relation avec Elliott, relation qui va s’intensifier après différents événements affectant la vie de son voisin, Alexandre (Pio Marmaï).
Sur un thème finalement rarement exploité, l’attachement que l’on peut avoir pour un enfant qui n’est pas le sien, Carine Tardieu livre un très beau film profond, d’où sourd une indicible tristesse qui ne plombe pourtant jamais le récit. On ne saura pas vraiment pourquoi Sandra n’a jamais voulu d’enfant – ses explications sonnent comme un appel à ne pas en donner, à ne pas se justifier. L’argument qu’elle donne et qui pourrait dénoter d’un certain égoïsme ou d’un féroce besoin d’indépendance, résonne en contradiction avec l’attention et l’amour qu’elle donne à ce jeune garçon et qu’elle donnera par la suite à la demi-sœur de ce dernier. Le personnage de Sandra, interprété par une lumineuse Valérie Bruni-Tedeschi, au jeu et à la présence remarquables – et qui en fait l’égale des plus grandes, Romy Schneider ou Meryl Streep comprises – restera nimbé d’une part de mystère.

Dans L’Attachement, tous les personnages, aussi rebutants ou irritants qu’ils puissent sembler de prime abord, notamment le personnage joué par Raphaël Quenard, possèdent leur part de bonté, d’altruisme et d’amour. Il n’y a rien de lénifiant, pas d’angélisme dans cette vision des choses, qui n’est que le constat que les gens font ce qu’ils peuvent avec leurs blessures, leurs failles, mais que beaucoup se débattent pour faire avancer les choses et rendre leurs proches heureux. L’amour, au centre du film, est aussi bien celui que l’on porte à son·sa conjoint·e qu’à un enfant ou à sa famille de sang ou d’adoption. Et cet amour, loin d’être une évidence, a aussi ses exigences de lucidité qui fait parfois prendre des décisions dures, mais inévitables et justes.
On trouve beaucoup d’espoir et de résilience dans ce film profond, sensible et très subtil. Thématiquement riche, L’Attachement bénéficie d’une très belle interprétation, puisqu’en plus des comédiens et comédiennes déjà cité·e·s, on retrouve avec plaisir la trop rare Catherine Mouchet dans un rôle fort, mais aussi Vimala Pons ou Marie-Christine Barrault. Quant au jeune César Botti, qui joue Elliott, son jeu s’avère constamment juste et intense. Réalisé avec tact et superbement photographié, L’Attachement compte parmi les très belles réussites du cinéma français de 2025.






