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ISLANDS

Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Un jour, parmi le flot incessant des vacanciers, débarque sur l’île Anne, accompagnée de son fils et de son mari. Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille et très vite d’étranges liens commencent à se nouer entre eux. 

Critique du film

Troisième long-métrage de Jan Ole Gerster (Oh boy!), Islands met en avant un certain travail d’écriture propre au cinéaste. Cette nouvelle tentative se résume d’ailleurs par une seule question à but réflexif : peut-on s’évader indéfiniment de tout et de tous ? 

Sur une île des Canaries, Tom dispense des cours de tennis dans un hôtel All inclusive où soleil et cocktails sont le quotidien des touristes. Un cadre loin d’être anodin dans le processus visuel et narratif, le but est de faire éprouver à travers l’écran ce même décalage qui habite le personnage de Sam Riley, cette sensation d’évasion ratée, comme si le fuyard avait troqué le paradis pour l’enfer. Cet enfer s’avère d’abord propre à l’esprit du protagoniste, avant de se matérialiser par l’arrivée d’une famille bien particulière. 

Le scénario entre alors dans une nouvelle dimension, devenant littéralement une enquête à ciel ouvert pour rechercher un mari disparu. Une disparition à l’image d’une volonté fédératrice : celle de fuir l’instant. Cette dite fuite aimerait se voir transformer en évasion par tous, Tom se rend compte que sa vie ensoleillée n’a pas pour autant fait de lui quelqu’un d’heureux, Anne (Stacy Martin) et Dave (Jack Farthing) viennent aux Canaries pour éclipser un problème de couple insolvable, une union où le mensonge a trôné en maître et dont la véritable nature ne saurait être écartée à moins de s’en éloigner.

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La finalité est plus ou moins claire, chacun·e a ses raisons de quitter un quotidien ayant dépassé son seuil d’acceptation. Même certains personnages secondaires sont convoqués au sein de ce mouvement, prêts à quitter cette île qui n’aura été qu’un bref pansement sur une existence au plaisir hémorragique. Mais ce propos peine à s’illustrer, exceptées quelques rares scènes de danse en boîte de nuit, rappelant la dépression scintillante mise en scène par Aftersun en 2022. Ce désespoir latent et prêt à exploser déserte trop souvent l’image, ces plages vides ou ces recoins arides sous un soleil de plomb ne perturbent jamais alors que les différentes personnalités composant le film intriguent, interrogent sur leurs fêlures et leurs moyens de guérir. 

Ces énigmes ne trouvent malheureusement jamais d’écho dans la continuité visuelle, le cadre se contente d’être le pragmatique décor d’un demi-thriller. Si le fond délaisse une écriture lambda pour se concentrer sur une narration sporadique, se découvrant à mesure que les volontés s’exposent, la forme décide quant à elle de rester sur une même longueur d’onde sans grande gravité.

Heureusement, le personnage de Tom reste un ancrage relativement abordable, son caractère hagard et sa propension à se laisser ballotter par les événements en font une figure proche du spectateur impuissant. Ses dilemmes et son désespoir croissant, en plein contraste avec un soleil toujours au zénith, lui confèrent parfois le poids psychologique dont le film semble souffrir de l’absence plus globale. Cela ne paraît toutefois pas suffisant pour transmettre un propos se voulant un minimum complexe. Mieux vaut peut-être se tourner vers des propositions déjà sorties sur nos écrans, comme Rien à foutre (2022) de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre, qui en plus de partager le cadre des Canaries, parvient à donner au personnage interprété par Adèle Exarchopoulos un sentiment de fuite bien plus  impérieux.

Bande-annonce

2 juillet 2025 – De Jan-Ole Gerster