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RIFKIN’S FESTIVAL

Un couple d’Américains en villégiature au festival de San Sebastián tombe sous le charme de l’événement, de l’Espagne et de la magie qui émane des films. L’épouse a une liaison avec un brillant réalisateur français tandis que son mari la trompe avec une belle Espagnole.

Critique du film

Rifkin’s Festival nous parvient avec une question : Woody Allen a-t-il encore sa place dans le paysage actuel ? Une personne a souhaité répondre à cette question : Woody Allen lui-même, avec une nouvelle histoire qui acquiert au fil de son visionnage des airs d’œuvre testamentaire.

Ici, la figure Allenienne ne tient plus en place. Elle est propulsée en plein cœur d’une industrie cinématographique constamment en mouvement, incarnée par le lieu d’action du récit : le festival de films de San Sebastian, en Espagne. Et il est constamment en doute sur ses ambitions, le cinéma, la jeunesse et  la relation avec sa femme (Gina Gershon), celle-ci qui semble ne plus le comprendre. La figure vieillissante d’Allen, incarnée par le comédien Wallace Shawn ici, fait face à une génération de cinéastes qu’il ne comprend plus. Un cinéma jeune, plus politisé, caricaturé avec malice par le charme taquin d’un réalisateur français (Louis Garrel). Mais plutôt que de bêtement opposer deux époques du cinéma qui semblent ne pas s’attirer pour le cinéaste (une position qui n’appartient qu’à Allen lui-même mais qui peut sembler absurde), Rifkin’s Festival permet au réalisateur de renouer avec la jeunesse de ses premiers films.

Derrière cette nouvelle variation des marivaudages Allenien illuminée par la photographie de Vittorio Storaro, c’est un film élégamment ludique qui s’ouvre à nous. Narré par les confessions de cet alter-ego d’Allen à un psychologue, le film explore la mémoire d’un homme ne voyant la réalité qu’à travers un cinéma qu’il affectionne tant : le cinéma classique et essentiellement européen. Pour traduire cela à l’écran, Allen s’amuse à pasticher certaines œuvres avec la même habileté qu’il avait à pasticher la littérature russe dans Guerre et Amour dans les années 70. Ainsi, on s’amuse à voir sous l’œil d’Allen des œuvres telles que Citizen Kane ou Le Septième Sceau (avec Christoph Waltz, qui rejoue avec drôlerie la figure de la Mort qui tourmente Max von Sydow chez Bergman). 

Rifkin's festival

Cette galerie de miroirs cinématographiques déforme la réalité d’Allen et, par un constat cinglant, lui fera perdre tout ce qu’il prétend avoir acquis dans la vie. Ce patch-work de la filmographie du cinéaste, avec son lot d’obsessions (moralité, Bergman, la mort…), se présente à nous comme une sorte d’adieu amusant mais également délicat. 

En décuplant le décalage entre Allen et le monde qui l’entoure, il n’y a nul doute quant au fait que le réalisateur a conscience de la position qu’il a actuellement. Si Rifkin’s Festival peut sembler dans la lignée des derniers films du réalisateur par sa photographie, il est impossible de ne pas y voir ici l’adieu d’un réalisateur au cinéma. Peut-être que tel Hayao Miyazaki ou Clint Eastwood, il nous surprendra avec un nouveau film après avoir livré leur film-somme mais, en attendant, c’est avec lucidité et humour qu’il semble baisser le rideau.

Bande-annonce

13 juillet 2022 – De Woody Allen, avec Elena AnayaLouis GarrelGina Gershon




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