MUBI | TROIS COURTS-MÉTRAGES À DÉCOUVRIR
Depuis sa création en 2007, MUBI est devenue l’une des plateformes de streaming incontournables, proposant un catalogue de cinéma d’auteur d’une richesse inégalée. Les grands noms du cinéma, parmi lesquels se trouvent Werner Herzog, Lav Diaz ou Dario Argento, côtoient des films plus méconnus, ou difficilement trouvables, comme La Montagne Sacrée de Jodorowsky. Le lancement d’une Vidéothèque permanente permet ainsi d’accéder à une offre de longs-métrages venus des quatre coins du monde, mais également à une sélection de courts et moyens métrages, parfois inédits, qui vaut le détour. Retour sur trois œuvres audacieuses.
The Staggering Girl
Avant de s’atteler à la suite tant attendue de Call Me By Your Name, Luca Guadagnino signe avec le directeur artistique de la célèbre maison de couture Valentino, Pierpaolo Piccioli, le moyen-métrage The Staggering Girl, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en mai 2019. Un fashion film au casting impressionnant qui réunit Julianne Moore, Mia Goth et Kyle Maclachlan dans un récit entre New-York et l’Italie.
Si l’on pourrait reprocher au film d’être une publicité déguisée pour Valentino – et à raison, le film est une commande -, le moyen-métrage travaille le vêtement avec élégance, convoquant la mémoire à travers la matière. Dans un récit éclaté, sorte de flux de conscience de Francesca, The Staggering Girl explore les souvenirs douloureux de la maison d’enfance à travers les yeux de son héroïne. Loin de l’éclat solaire de la Lombardie, Guadagnino insuffle une dimension anxiogène au foyer bourgeois, éclairé par une lumière crépusculaire renforcée par la composition sophistiquée et envoûtante de Ryuichi Sakamoto. Une quête d’identité et de soi à travers la mémoire du passé qui aboutit à une euphorisante scène finale, synthèse de deux univers créatifs qui se rencontrent et se répondent dans un exercice de style raffiné.
The Fall
Sept ans après le glaçant Under The Skin, Jonathan Glazer sort de son silence avec un court-métrage intitulé The Fall. En sept minutes à peine, Glazer fabrique un cauchemar angoissant de la société humaine. La lumière artificielle souligne les coins sombres de l’image, transformant la forêt en un lieu clos idéal pour une chasse à l’homme. Perché au sommet d’un arbre, un homme masqué tente d’échapper à une foule elle-aussi masquée : la vision évoque les tableaux les plus sombres de Goya, et accentue les visages grimaçants et anonymes de ses personnages. Le film est mutique, mais assourdissant par la composition bizarre de Mica Levi, qui mélange cris et percussions industrielles, et instaure dès ses premières secondes un malaise impénétrable. Métaphore sinistre du lynchage public ou bien du totalitarisme grandissant, The Fall demeure avant tout un court-métrage mystérieux et claustrophobe, dont le dénouement semble irrémédiablement fatal.
Meshes of the Afternoon
Avec Meshes of the Afternoon, Maya Deren s’est imposée comme l’une des figures essentielles du cinéma expérimental américain dans les années 40. Il y a dans le premier court-métrage de la réalisatrice une aura mystique rayonnante, qui puise aussi bien dans le surréalisme que dans la poésie de Cocteau. Meshes of the Afternoon offre une véritable expérience psychanalytique, mais surtout onirique, dont le sens demeure toujours aussi impénétrable. Un film de symboles plus que de raison, un monde de divinités qui répète et déforme les mêmes scènes, toutes hantées par un processus de dépersonnalisation. La mort, l’angoisse de soi et des autres se reflètent dans la forme poétique de l’homme-miroir. Maya Deren demeure une personnalité fondatrice du cinéma d’avant-garde américain, aussi bien par l’aspect onirique de son oeuvre qui inspirera bien plus tard des cinéastes comme David Lynch, que parce qu’elle est une des éminentes femmes derrière la caméra.
Les trois œuvres (dont deux exclusivités) constituent un maigre échantillon de la richesse du catalogue qui voit se succéder les noms de Jonas Mekas, Agnès Varda ou encore Chris Maker. On recommande entre autres Atlantiques de Mati Diop, adapté l’année dernière dans un long-métrage éponyme, Free Radicals du néo-zélandais Len Lye, court-métrage d’animation expérimental où la matière devient cinéma, ou encore Ultra Pulpe de Bertrand Mandico, dernière fantasmagorie érotico-bizarre du réalisateur français.
Chaque jour, dans les Séances Buissonnières, un membre de l’équipe vous recommande un film disponible actuellement en VOD / SVOD