MANCHESTER BY THE SEA
Après le décès soudain de son frère Joe (Kyle Chandler), Lee (Casey Affleck) est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick (Lucas Hedges). Il se retrouve confronté à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi (Michelle Williams) et de la communauté où il est né et a grandi.
Invisible Stains.
Depuis déjà plusieurs semaines, il pleut des superlatifs à foison sur Manchester By The Sea, phénomène annuel de Sundance vite érigé comme le grand outsider des prochains Oscars. « Bouleversant », « Le meilleur film de l’année » et même « Chef-d’œuvre », toutes les taglines possibles et imaginables traduisent l’extase face à ce renouvellement du mélodrame vendu tel un long-métrage indépendant à l’inédite pudeur. Pourtant, loin d’apparaître pleinement mérité, cet emballement critique disproportionné donne surtout envie de redéfinir, pour la énième fois, la notion désormais factice de « buzz » et les attentes qui en découlent.
Alors, sommes-nous finalement déçus du film pour ce qu’il est vraiment ou simplement contrariés qu’il ne soit pas à la hauteur de sa réputation ? Dans le cas précis de Manchester By The Sea, les deux options se recoupent et prouvent la faiblesse – mais aussi la maladresse – du matraquage médiatique. Présenté comme le film-remède à un cinéma sur pilotage automatique, le troisième long-métrage de Kenneth Lonergan se dérobe à sa tâche d’antithèse pour ressasser les écueils inhérents au genre. Sans réussir à s’extirper des stéréotypes, il saute, au contraire, à pieds joints dans les clichés en choisissant une retenue qui le prive de toute ampleur.
Durant ces deux heures vingt où chaque plan semble crier « sobriété », le réalisateur veut dessiner en creux le portrait d’une ville, d’une famille, d’un homme en proie aux démons du passé. Toutefois, à défaut de trouver la corde sensible du spectateur, il se heurte à un lourd cahier des charges, à une succession d’événements composant un indigeste millefeuille de la tragédie. Faussement subtil, Manchester By The Sea se retrouve encombré par une problématique loi des séries qui s’accorde mal avec une tentative de simplicité devenue incongrue.
Prête à déborder, la barque du malheur et du désespoir chavire alors que les temporalités commencent à s’entrecroiser. Passé et présent se répondent ainsi dans des séquences prévisibles qui tournent au drame familial appuyé ou à la surexplication douteuse (terrible flash-back sur l’Adagio d’Albinoni). En voulant façonner une toile faite de petites touches, Kenneth Lonergan force trop le trait et s’empêtre dans un enchaînement de grossières accumulations.
Mis au ban d’Hollywood après la post-production catastrophique de son précédent film, Margaret, le cinéaste a pourtant répété les mêmes erreurs en s’embarrassant encore une fois du superflu. Parcouru de quelques belles fulgurances, Manchester By The Sea souffre, dès lors, d’un montage anarchique, réduisant à quasi-néant la prestation juste mais anesthésiée de Casey Affleck. C’est d’autant plus dommage qu’il y aurait sûrement eu une pépite à extraire de ce bloc de marbre confondant délicatesse et monotonie.
La fiche
MANCHESTER BY THE SEA
Réalisé par Kenneth Lonergan
Avec Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler…
Etats-Unis – Mélodrame anesthésié
Sortie en salle : 14 décembre 2016
Durée : 138 min