FRANKIE WALLACH | Interview – 2e partie
PARTIE 2 : FRANKIE WALLACH, RÉALISATRICE
Frankie Wallach a commencé à jouer au cinéma à huit ans. D’abord jeune actrice pendant ses vacances scolaires, elle est aussi passée par le théâtre. À vingt-cinq ans, après un détour par Londres pour étudier le cinéma et Kneidler, un premier court-métrage sur sa grand-mère, elle livre Trop d’amour, un premier film entre la fiction et le réel. Portrait d’une réalisatrice en devenir.
Qu’est-ce que ce premier film nous dit sur ce que vous ferez ensuite ? Vous vous sentez plutôt actrice ou réalisatrice ?
Je veux vraiment être réalisatrice. Je suis déjà en train de réfléchir à d’autres idées et à écrire d’autres films. Dans l’intervalle, je veux aussi continuer à jouer pour d’autres ; peut-être plus que dans mes propres films, d’ailleurs.
Je dois dire que j’ai plus envie de réaliser que de raconter des histoires personnelles, à la base. Pour Trop d’amour, je ne me suis pas dit « je m’en fous de la réal’ et je fais ce film pour vomir cette histoire qui m’obsède ». C’est vraiment l’inverse : je voulais réaliser et j’ai choisi cette histoire là, qui est proche de moi. Mais Trop d’amour vient d’une envie folle de réaliser, et le film parle de ça, je crois.
J’ai l’impression que je fais tout dans le mauvais sens. D’ailleurs, je me suis lancée dans le film de manière très insouciante, sans me rendre compte de la montagne que c’était.
J’ai l’impression que je fais tout dans le mauvais sens. D’ailleurs, je me suis lancée dans le film de manière très insouciante, sans me rendre compte de la montagne que c’était.
Vous avez commencé par jouer, assez jeune d’ailleurs ?
Oui, et je ne sais pas d’où ça vient cette envie d’être actrice, c’était un matin au CE1 apparemment. Mes parents m’ont toujours raconté que c’était venu comme ça. J’ai eu l’envie, j’ai passé les castings, et ça a marché. Mon premier film c’était celui d’Idit Cebula, qui joue ma mère dans Trop d’amour. Par contre, je crois que je me suis toujours dit « à mes quarante ans, je serai réalisatrice ».
Vous vous en sortez plutôt bien sur cet agenda, donc, belle performance ! Quand on regarde votre parcours, on se dit que vous as beaucoup cherché à vous former. King’s College pour la théorie puis l’École du Jeu à Paris, c’était un choix conscient ?
En fait, j’ai l’impression que j’ai toujours appris seule et que je me suis formée après coup, ce qui est étrange quand on y pense. Jusqu’à mes seize ans, je jouais et après je me suis dit « non j’arrête, je vais faire des études à Londres pour la théorie du cinéma, pour me cultiver un peu ». Je suis revenue, j’ai aussi fait une école de théâtre pour apprendre à jouer. Et maintenant j’ai réalisé un film, mais c’est seulement après le montage que je lis des livres sur comment écrire un scénario. J’ai l’impression que je fais tout dans le mauvais sens. D’ailleurs, je me suis lancée dans le film de manière très insouciante, sans me rendre compte de la montagne que c’était.
Le fait de chercher des formations, ce serait plutôt de l’humilité, ou une sorte de quête de légitimité ?
C’est plus de l’humilité, je dirais. Là, avec Trop d’amour, il y a eu une sorte de miracle où tout s’est aligné et j’ai pu faire ce film. Ça peut vouloir dire qu’il y a quelque chose qui m’appelle dans ce métier, ok, mais maintenant va falloir aller bosser, quoi ! Si je fais la comparaison avec le métier de comédien, c’est pas parce que tu as eu ton premier grand rôle que direct ensuite tu es un grand acteur et que tu peux tout jouer. Il faut continuer à travailler, toujours.
Pourtant, quand on voit le film, on se dit que vous avez des choses à revendiquer, ou au moins des observations à faire.
Oui, mais en même temps, à 25 ans, tu comprends rien à rien, il faut le dire. J’espère être restée dans cette vérité-là : je lance des pistes, mais c’est trop dur à cet âge là, personne n’a de réponses. Donc j’avais pas envie d’apporter des réponses que je n’ai pas dans la vie. Dans ce film, j’ai fait parler tout le monde, sauf moi, j’avoue (elle se marre). Et surtout ma grand-mère, c’était d’elle dont je voulais parler à travers ce projet.
Dans les premiers films, on retrouve souvent beaucoup d’influences…
Beaucoup d’enfance ? Désolé, il y a du bruit…
Alors oui, ça aussi (rires) Mais non, d’influences. Pour un premier film, on se dit qu’il y a peu de citations d’autres œuvres. Vous vouliez rester personnelle, faire quelque chose d’assez unique ?
Alors, y a un mini clin d’œil, une scène gratuite où je passe sur un pont… juste pour Les Amants du Pont-Neuf de Carax parce que c’est mon film préféré. Bon, en fait, c’est même pas le Pont-Neuf, mais comme ça on voit Notre-Dame en travaux et ça m’a permis de fixer le film dans notre époque.
Le reste, je n’ai pas voulu en faire des références mais le cinéma très réel de Kechiche et Maïwenn par exemple, m’a toujours beaucoup parlé. C’étaient mes idoles quand j’ai commencé à regarder des films. Sinon, quand j’ai écrit Trop d’amour, mon producteur m’a conseillé de regarder À nos amours et là je me suis dit que dans la manière de bosser de Pialat il y avait quelque chose…
Vous étiez absolument tyrannique, donc ?
Non, quand même pas (elle sourit). Mais j’aime bien le principe de surprendre ses comédiens que Pialat a pas mal exploré. Ça ne m’a pas influencé dans l’écriture mais dans ma manière de bosser, peut-être. Notamment par rapport aux questions sur Myriam que j’évoquais [cf. première partie de l’interview].
D’ailleurs, j’ai développé ma culture cinématographique en grandissant, mais je pourrais pas dire que je suis née cinéphile ou que depuis mes cinq ans mes parents me montrent des films, que j’ai grandi avec Pialat… Ce n’est pas du tout le cas. Et heureusement aussi, parce que mine de rien ça aide : tu te compares pas, et tu as une espèce de liberté : plus je découvre des films, plus il y a du niveau.
Et heureusement que vous n’avez pas grandi avec Pialat, en un sens…
J’avoue que pour l’insouciance, il ne vaut mieux pas. Non mais c’est vrai, même si j’avais grandi avec Truffaut et compagnie, comment j’aurais eu peur d’y aller ensuite ! Alors que là, on n’a vraiment pas regardé des masses de films à la maison. Je me souviens de quelques séances en famille, mais c’était de temps en temps. Je me dis que comme ça, je ne me compare à personne. Dans ce film, il y a des milliards de choses ratées, mais pour mon prochain, je serai pas non plus dans la recherche de la perfection. J’ai bien aimé l’urgence et la vérité, donc je vais pas bâcler les prochains films pour autant mais j’aimerais garder cet état d’esprit.
Ah, et en fait, il y a une deuxième référence ! Quand quelqu’un demande : « est-ce que chez vous un jour il s’est rien passé ? » Ce sont les mots de Duras, et c’est ce qui reste de Savannah Bay dans le film. Parce que j’adore cette phrase… et que c’est tellement ça, la famille Wallach.
Entretien réalisé à Paris, le 8 septembre 2021 par Augustin Pietron pour Le Bleu du Miroir
Crédits photos : avec l’aimable autorisation de Frankie Wallach
Trop d’Amour est disponible en exclusivité sur myCANAL depuis le 14 octobre 2021