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WINTER BREAK

Hiver 1970 : M. Hunham est professeur d’histoire ancienne dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons de la Nouvelle-Angleterre. Pédant et bourru, il n’est apprécié ni de ses élèves ni de ses collègues. Alors que Noël approche, M. Hunham est prié de rester sur le campus pour surveiller la poignée de pensionnaires consignés sur place. Il n’en restera bientôt qu’un : Angus, un élève de 1ere aussi doué qu’insubordonné. Trop récemment endeuillée par la mort de son fils au Vietnam, Mary, la cuisinière de l’établissement, préfère rester à l’écart des fêtes. Elle vient compléter ce trio improbable.

Critique du film

Il y avait un peu de Cannes à Lyon ce dimanche si l’on en juge par l’ovation réservée à Alexander Payne suite à la projection de Winter Break. Cinq minutes d’applaudissements nourris adressés au cinéaste resté dans la salle après la présentation de son film. Une liesse inhabituelle au Festival Lumière où le public est certes poli mais rarement aussi déchaîné. Inhabituelle et hélas à nos yeux, bien surprenante, tant cette comédie dramatique de Noël nous a paru construite sur de grosses ficelles, volontiers manipulatrices.

Les montagnes rusent

WINTER BREAK

L’association des contraires est un ressort de comédie classique, particulièrement exploité dans la comédie française, de Gérard Oury à Francis Veber. C’est bien dans le cinéma français que Winter Break trouve son origine. Alexander Payne reconnaît avoir puiser l’idée de départ de ce scénario, dont l’écriture a été confiée à David Hemingson, en sortant d’une projection de Merlusse, un des films les moins connus de Marcel Pagnol. Ici, le duo est trio, un professeur de lettres classiques confit dans son savoir et sa solitude, un élève impertinent et entre les deux, une cuisinière endeuillée. Contraints de passer les fêtes ensemble, nos trois sans famille vont apprendre à se détester avant de mieux de se connaître. Nul besoin d’en dire davantage, le programme est tracé, il arrivera exactement là où on l’attend. Le tout dans une ambiance 70e parfaitement rendue, folk et formol compris.

Le cas de Paul Hunham est caractéristique de ce que le scénario peut avoir de manipulateur. Présenté comme un tyran sans autre plaisir sadique que d’humilier ses élèves, le professeur se révélera plein de fêlures sous la carapace. Paul Giamatti en fait des caisses, il peut se le permettre, puisque justice, in fine, sera rendue au personnage. Car évidemment, ces derniers sont au service d’un dessein, assignés à résilience. Ah, pauvres que nous sommes, mais comment avons-nous pu rire de son ridicule, vite rachetons-nous et rions avec lui. Ouf, l’occasion se présente. Ah, qu’il est bon de cheminer dans ce dédale de sentiments contraires. Pas de panique, le trio des victimes va savoir faire contre mauvaise fortune bon coeur et retrouver foi dans l’humanité. Détestable postulat doublé d’une morale douteuse. On trouvera bien deux/trois bons mots mais on jurerait les avoir déjà entendus dans la bouche de Woody Allen (drôle, cela dit, quand la référence est décalée, ici la remise des copies en sifflotant la chevauchée des Walkyries).

WINTER BREAK

Le professeur a l’Antiquité pour seule boussole, le cinéaste lui, se fait petit antiquaire des émotions, distillées et largement soulignées par une bande-originale qui est au film ce que le piment est aux mauvais restaurants exotiques, un cache misère. Le film est construit sur un mouvement de fall and rise dont l’efficacité ne peut s’encombrer de trop de nuances, au risque de diminuer le sentiment final de jubilation. Nous n’avons vu, pour notre part, que des montagnes ruses.


13 décembre 2023 – De Alexander Payne
avec Paul Giamatti, Dominic Sessa et Da’vine Joy Randolph


Festival Lumière 2023




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