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TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA RÉVOLUTION

La fiche

Réalisé par Judith Davis Avec Judith Davis, Malik Zidi, Claire Dumas…
FranceComédie – Sortie : 6 février 2019 Durée : 88 mn

Synopsis : Angèle avait 8 ans quand s’ouvrait le premier McDonald’s de Berlin-Est… Depuis, elle se bat contre la malédiction de sa génération : être né « trop tard », à l’heure de la déprime politique mondiale. Elle vient d’une famille de militants, mais sa mère a abandonné du jour au lendemain son combat politique, pour déménager, seule, à la campagne et sa sœur a choisi le monde de l’entreprise. Seul son père, ancien maoïste chez qui elle retourne vivre, est resté fidèle à ses idéaux. En colère, déterminée, Angèle s’applique autant à essayer de changer le monde qu’à fuir les rencontres amoureuses. Que lui reste-t-il de la révolution, de ses transmissions, de ses rendez-vous ratés et de ses espoirs à construire ? 

La critique du film

Les prémisses de ce premier long-métrage de Judith Davis pourraient s’appeler Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, film français de 1993 avec Josiane Balasko. En effet, ce que nous raconte l’auteur en voix off, c’est comment elle a grandi dans une famille militante de gauche, avec un père communiste de la première heure, et une mère également révolutionnaire et universitaire reconnue. Cette éducation très orientée a polarisé toute sa vie mais aussi sa vision de la société. Son personnage d’Angèle, son alter ego, raconte comment elle n’a rien abandonné de sa radicalité, la faisant muter du parti politique au happening en passant par une vigilance de chaque instant. Le film commence par son licenciement par ce qu’elle appelle « des patrons de gauche ». Cette première partie parle de l’air du temps, de cette génération élevée par des « soixante-huitards » qui n’ont hérité que de l’austérité et d’une désillusion doublée d’un cynisme insupportable.

Le premier atout de Tout ce qu’il me reste de la révolution, est de mêler comédie et satire sociale. Ce tour de force est réalisé par des dialogues savoureux, comme lors de cette première scène où Angèle raille les arguments de ses employeurs en les retournant avec talent contre eux, dans une colère pour le moins jouissive. Ensuite, le film n’est jamais complaisant envers une gauche française des années 1970-80, ses militants maoïstes représentés par le père d’Angèle. Il ne juge personne, il préfère s’attacher avec délicatesse à un portrait de femme(s) qui a peine à concilier engagements politiques et affectifs. La clef pour comprendre cette dissymétrie est contenue dans le personnage de Saïd, joué par le toujours très bon Malik Zidi. Il met Angèle face à ses contradictions, son incapacité à conjuguer amour et convictions, à grand renfort d’arguments marxistes qui voudraient que la famille est une valeur bourgeoise à proscrire.

De famille, il est en effet beaucoup question dans ce beau premier film. L’absence de la mère, sa supposée fuite, explique la radicalité de certains des propos d’Angèle, son incapacité à se projeter dans le couple. La redécouverte de cette femme, sublime Mireille Perrier, est une rupture autant dans la narration que dans l’histoire personnelle d’Angèle. Si la première partie traitait essentiellement de combats collectifs, la seconde se concentre sur les individus, les points d’achoppements entre eux, leurs failles. L’une des dernières scènes, qui montre le beau-frère capitaliste craquer complètement devant son auditoire féminin, est éloquente de ce passage de témoin. On ne le condamne pas pour ses propos choquants et politiquement incorrects, la famille comme bloc pétri d’empathie fait corps pour préserver ce membre affaibli et fragile.

L’humour et la sensibilité du film en font une très belle surprise gravitant toute entière autour de la figure imposante de Judith Davis, à la fois réalisatrice et actrice principale. Elle diffuse avec force une intensité gorgée d’émotions qui développe avec une grande intelligence toute la difficulté de concilier son identité et ses besoins émotionnels. Exister au delà de son éducation, et comme le dit le synopsis du film, trouver un équilibre qui ne soit pas plus une négation de ses convictions profondes. En cela le petit groupe que fonde Judith est un truchement parfait de cette problématique. Délivrer une parole libératrice, écouter l’autre, et proposer des idées neuves. Entre comédie et introspection, Judith Davis délivre un programme bien séduisant à qui il faut d’urgence laisser sa chance.



La bande-annonce




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