THE LIGHTHOUSE
La ficheLa critique du film
S’il y a bien un nom qui est sur toutes les lèvres lorsque l’on aborde la Quinzaine des Réalisateurs, c’est bien The Lighthouse. Après avoir créé la surprise avec The Witch, le réalisateur Robert Eggers était attendu au tournant avec son intriguant film d’horreur. Tourné en noir et blanc, The Lighthouse explore cette fois la mythologie des fonds marins.
Le Vieil Homme et la Mer
Dès ses premiers instants, The Lighthouse instaure son atmosphère humide et brumeuse. Au loin, derrière l’infini des vagues, se dessine un phare fièrement dressé sur son rocher. La corne retentit, tel un bruit d’outre-tombe. Les ombres engloutissent le navire, renforcées par un noir et blanc sale. La proposition est radicale : Robert Eggers façonne son cauchemar ténébreux à travers son ambiance sensorielle, faisant appel ainsi aux différents sens. D’abord l’odeur du bois mouillé, de l’air marin et de l’alcool qui verse à flots. Ensuite le toucher, où l’on ressent la fraîcheur de la tempête et la moiteur de la pluie. Puis enfin la vue, à travers un habile jeu d’illusion jusqu’à l’éblouissement. Eggers brouille les sens pour nous entraîner avec lui dans une descente aux enfers où rêve et réalité se confondent.
Convoquant Herman Melville à travers la fascination de la marin, aussi bien qu’Edgar Allan Poe dans une revisite maritime du Corbeau, The Lighthouse digère ses influences pour en ressortir un objet unique d’une radicalité folle. Si l’expressionnisme allemand est la référence majeure, Eggers ne tombe pourtant pas dans l’hommage désincarné mais l’utilise pour recréer sa propre mythologie.
Rêve anxiogène
The Lighthouse est davantage symbolique que narratif, et se mue lentement en un rêve anxiogène. Willem Dafoe et Robert Pattinson – dont les choix de carrière ne cessent d’être remarquables – se haïssent et se réconcilient dans l’étroitesse d’un phare. Le choix du format 4/3 emprisonne ses personnages dans un récit claustrophobe, où se mêlent baston, ivresse et chants grivois jusqu’à l’excès. Le phare, ou plutôt le phallus fièrement érigé, devient une métaphore d’un désir interdit et d’une sexualité morbide.
Le mystère demeure opaque et tient en haleine jusqu’au bout, porté par les performances démentielles de ses deux seuls interprètes. Grotesque, angoissant et agaçant, The Lighthouse emprisonne son spectateur pendant deux heures dans un cauchemar nébuleux, où la brume abrite les fantasmes les plus inquiétants.