RIVIÈRE DE NUIT
Kiwa Funaki travaille à la teinturerie de son père à Kyoto. Cette femme indépendante et talentueuse y conçoit des tissus et accessoires qu’elle commercialise elle-même jusqu’à Tokyo. À bientôt trente ans, son entourage aimerait la voir mariée mais Kiwa trouve son épanouissement dans son art. Un jour, elle fait la rencontre de M. Takemura, professeur à l’université d’Osaka. Ce client singulier et érudit, au demeurant marié et père de famille, trouble la jeune femme…
Critique du film
Premier film en couleurs de Kôzaburô Yoshimura resté inédit en France jusqu’à maintenant, Rivière de nuit constitue un magnifique mélodrame au sens noble du terme et un portrait de femme d’une grande modernité pour l’époque à laquelle a été tourné ce film, à savoir en 1956. La principale protagoniste, Kiwa, se montre indépendante, altruiste – elle aide son père dans sa teinturerie de Kyoto – mais également très créative, puisqu’elle conçoit des tissus dont elle gère la commercialisation et qui commencent à connaître succès et notoriété. Très courtisée, à la fois pour ses créations artistiques et son charme, Kiwa est toujours célibataire. Femme de tête, elle ne s’en laisse pas forcément compter, ni dans le travail, ni dans sa vie personnelle. Lorsqu’elle fait la connaissance d’un professeur d’université et qu’elle tombe sous son charme, Kiva est vite confrontée à la froideur de cet homme, sans savoir pourquoi.
Rivière de nuit fait évoluer son héroïne dans un Japon tiraillé entre tradition et modernité – la famille, la condition féminine -, mais aussi entre pragmatisme et romantisme – les relations amoureuses. La sensibilité d’un jeune homme amoureux de Kiwa peut y prendre une note de fragilité, des vulnérabilité touchante et inhabituelle. La femme courageuse et déterminée qu’est Kiwa ne se montre-t-elle pas aussi parfois trop intransigeante et ne risque-t-elle pas de passer à côté de choses essentielles à son bonheur ?
Formellement, Rivière de nuit est une splendeur, ses couleurs magnifiques étant sublimées par la photographie de Kazuo Miyagawa et la musique de Sei Ikeno, parfois singulière étant marquée par des accents très différents, tantôt émouvants, tantôt oppressants. La mise en scène de Yoshumira, à la fois sobre et très précise, joue beaucoup sur les symboles, mais toujours avec beaucoup de subtilité. A cette esthétique raffinée de la forme vient se joindre le sublime du fond, faisant de Rivière de nuit un chef d’œuvre de sensibilité et d’intelligence.
Rivière de nuit sort pour la première fois dans les salles françaises le 6 mars 2024, distribué par Carlotta Films. La restauration 4K de 2022, faite par Imagica Entertainment, rend parfaitement justice à la beauté de cette œuvre.