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NATTY GANN

L’Amérique a sombré dans la grande dépression. Les emplois sont rares et éloignés, ce qui déchire les familles. Envers et contre tous, une courageuse jeune fille part rejoindre son père. Au cours de son odyssée extraordinaire, elle rencontre deux compagnons : un magnifique loup et un vagabond endurci.

Critique du film

Depuis l’arrivée de Disney+ sur le marché français au début du mois d’avril, c’est le côté obscur de la SVOD made in Mickey qui a le plus fait parler. Ce mélange de puritanisme détestable, comme avec cette retouche du fessier (pourtant fort joli) de Daryl Hannah dans Splash, et de saccage des œuvres originales (le recadrage absurde des premières saisons des Simpson).

Pourtant, tout n’est pas à jeter, et s’il fallait retenir un aspect positif de la nouvelle plateforme, c’est sans doute la possibilité de redécouvrir en HD des films un peu oubliés de l’immense catalogue de la firme. Des films qui jusque-là n’avaient connu au mieux qu’une ressortie discrète en DVD et qui n’ont plus la faveur des chaînes de télévision comme ce pouvait encore être le cas jusqu’au milieu des années 1990. La faute à des programmateurs peut-être incompétents, et très probablement fainéants, lesquels ont délaissé toute une collection de films au profit des sempiternelles mêmes œuvres diffusées durant les fêtes. Natty Gann est un de ces films injustement tombés dans l’oubli et auxquels Disney+ redonne une certaine visibilité.

Rencontres

Réalisé par Jeremy Kagan et sorti en 1985, on y suit Natty Gann, jeune adolescente aux allures de garçon manqué, qui va traverser les États-Unis à la recherche de son père. L’histoire se déroule durant les années 1930 marquées par la Grande Dépression, période qui voit le chômage exploser après le Krach de 1929. Dans l’impossibilité de trouver du travail dans sa ville de Chicago, suspecté d’être un « rouge » du fait de son engagement syndical, le père de Natty n’a d’autre choix que d’accepter un emploi de bucheron à l’autre bout du pays, dans l’état de Washington. Sans pouvoir la prévenir, il confie alors sa fille à sa logeuse avec l’espoir de pouvoir lui acheter rapidement un billet de train pour qu’elle le rejoigne. Mais Natty Gann ne l’entend pas de cette manière et part le rejoindre en s’embarquant clandestinement sur un train de marchandise, avec tous les risques que cela comporte. 

Au cours de son périple, elle va faire de multiples rencontres, plus ou moins heureuses. La jeune fille va ainsi être confrontée à toutes les difficultés imaginables à cette époque et dans ce type d’histoire : tour à tour abandonnée par son père (à contrecœur), pourchassée par la Police des chemins de fer, placée à l’orphelinat, embrigadée par une bande de voyous, agressée par un pervers… Son parcours est semé d’embûches. Mais elle va aussi, et surtout, trouver deux compagnons de voyage. À commencer bien évidemment par « Wolf », un loup utilisé pour des combats de chiens. Après l’avoir aidé à s’échapper, Natty va recroiser sa route par hasard et le loup, reconnaissant, va la suivre, lui offrant son aide et sa protection. Et puis, il y a Harry, un jeune vagabond interprété par John Cusack. Au premier abord un peu bourru, il va petit à petit tomber sous le charme de sa jeune partenaire et partager avec elle son expérience de la vie de voyageur sans-le-sou.

Meredith Salenger, qui connaissait pratiquement là sa première expérience devant les caméras (elle avait fait une courte apparition dans Annie (1982), l’adaptation de John Huston), est parfaite dans ce rôle-titre. À contre-courant des héroïnes classiques Disney toujours désespérément optimistes (du moins encore à l’époque), Natty Gann fait preuve d’un caractère bien trempé, loin des stéréotypes liés à son genre. Elle n’hésite pas à tenir tête à l’autorité, n’a pas peur de se battre, et ne s’excuse pas d’être ce qu’elle est. Elle fume même ! (Ce qui vaut d’ailleurs au film un avertissement sur la plateforme : « Contient des scènes de consommation de tabac » ! On frôle le motif de censure…). Et puis, un mot sur Ray Wise qui joue Sol Gann, le père de Natty. Celui qui a laissé une trace indélébile dans le rôle glaçant du père de Laura Palmer dans Twin Peaks campe ici une figure paternelle autrement plus sympathique.

Natty Gann

Tourné au Canada, essentiellement en Colombie Britannique, le film offre à voir des superbes paysages qui retranscrivent parfaitement l’idée que l’on se fait de cette Amérique encore à moitié-sauvage, avec ses forêts luxuriantes et ses immenses prairies entourées de montagnes. Jeremy Kagan et son Directeur de la photographie, Dick Bush, rendent grâce à la beauté et à l’immensité de cet environnement, leur caméra n’hésitant pas à prendre de la distance pour la révéler dans toute son ampleur. De la même manière, les décors de Paul Sylbert nous plongent avec authenticité dans le Chicago des années 30 et dans les hoovervilles, ces bidonvilles constitués de tentes ou de cabanes et habités par les sans-abris et les chômeurs frappés par la crise économique (ils tiennent leur nom du Président de l’époque, Herbert Hoover).

La force du film réside en partie dans ce contexte historique. Après le Krach de 1929, les États-Unis se réveillent groggy, alors que le « rêve américain » semble s’être évaporé dans un nuage industriel. Autrefois terre de tous les possibles, l’Amérique rappelle aux hommes que sa beauté n’a d’égale que sa cruauté. Mais paradoxalement, c’est aussi en elle, dans sa nature profonde et sauvage, que réside l’espoir. Le film de Kagan met ainsi en lumière ce lien fort qui peut exister entre l’Homme et l’animal, lorsque le premier ne cherche pas à domestiquer le second. Un lien basé sur le respect mutuel et sur la liberté. L’histoire d’amitié entre Natty et le loup, bien que légèrement romancée, ne cède pas trop à la féérie Disney et à l’anthropomorphisme. Aussi bienveillant et protecteur soit-il, le loup conserve sa nature animale.

All things go, Chicago

Avec tous ces éléments, Natty Gann est de ces films qui marquent l’enfance de ceux qui l’ont vu à l’âge où se forment les rêves. Il s’inscrit dans une tradition de films inspirés de la littérature d’aventure dont il a contribué à repopulariser le genre. Dans la décennie qui suivit, de nombreux films de la même veine ont vu le jour, de L’Ours (1988) à une nouvelle adaptation de Croc-Blanc (1991) par Disney. Ce dernier est celui qui s’en rapproche le plus. Quoi de plus normal tant l’univers de Natty Gann parait puiser sa source dans les écrits de Jack London. Les deux films ont d’ailleurs beaucoup plus en commun qu’un contexte historique fort (La ruée vers l’or pour Croc-Blanc et la Grande Dépression pour Natty Gann) et l’amitié avec un loup. Tout d’abord, ils partagent la même scénariste Jeanne Rosenberg, qui s’était spécialisée dans les films avec des animaux (On lui doit également l’histoire du déjà très réussi L’Étalon noir en 1979). Et puis, il y a « Jed », ce chien-loup dont tous les enfants se sont rêvés le compagnon, et qui montre sa fourrure dans les deux films.

Revoir Natty Gann aujourd’hui, c’est l’opportunité pour ceux qui, comme nombre d’entre nous, ont eu la chance de le voir dans leur jeunesse, de goûter à nouveau à ces films-souvenirs, ces « madeleines de Proust » cinématographiques. Pour les autres, les jeunes et les moins jeunes, c’est l’occasion de découvrir un joli film familial avec une jeune héroïne aussi attachante que téméraire. Une belle histoire d’amitié où l’aventure et l’émotion sont au rendez-vous.


Disponible sur Disney+


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