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MÉTÉORS

Diagonale du vide. Trois amis de longue date. Tony est devenu le roi du BTP, Mika et Dan les rois de rien du tout. Ils ont beaucoup de rêves et pas beaucoup de chance. Après un nouveau plan raté, ils doivent bosser pour Tony dans une poubelle nucléaire. Jusqu’ici tout va mal…

Critique du film

Paul Kirscher qui joue un ado désœuvré dans le Grand Est ? Sommes-nous face à la suite de Leurs Enfants après eux ? Les deux films, bien que différents, partagent certaines similitudes (la captivité de la jeunesse, le rêve d’ailleurs) et chaque fois la dramaturgie se noue autour d’un vol. Chez les frères Boukherma, c’était le vol d’une moto, chez Charuel celui d’un Maine Coon, une race de chats onéreuse. Fortement intoxiqué par l’alcool et la drogue, Mika et Dan improvisent un cambriolage qui va virer au désastre et les conduire devant une juge. Leur amitié va alors être mise à dure épreuve, chacun ayant des réactions aux antipodes face à au chalenge qui les attend. Mika va s’assagir et s’affranchir de ses addictions tandis que Dan va s’enfermer de plus belle dans ses démons. 

Meteors se fait le récit d’une amitié incontestablement toxique. Dan ne cesse d’emporter son ami dans des situations précaires, « des plans foireux » et le fait souffrir à cause de ses tendances autodestructrices. Pourtant, grâce au talent des deux interprètes, leur relation émeut et embarque. On lit bien dans le regard de Paul Kirsher, plus en retenu que dans Leurs Enfants après eux, toute la sympathie qu’il éprouve pour le personnage campé par Idir Azougli.

Malgré leurs différences évidentes, leur relation paraît vraisemblable, car Charuel lui laisse le temps de se développer, notamment dans quelques moments empreints de légèreté et de grâce. Outre les plaisanteries qu’ils s’échangent et les rêves qu’ils partagent, un simple ménage de printemps, accompagné en fond d’une musique de rap, témoigne suffisamment de leur alchimie au quotidien pour qu’on puisse y croire. 

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Dans une Haute Marne enclavée, où les seules opportunités au sein de cet univers rigide et rectiligne sont de travailler dans une déchetterie nucléaire ou à Burger King, leur amitié représente la promesse d’un salut, celui de s’extraire de ce quotidien sans éclat. En écartant les protagonistes de leur cercle familial, les figures des parents, de frères ou de sœurs, ne sont jamais convoquées par le récit, le film isole totalement les deux amis. Cette absence de toute autre relation significative dans leur vie rend leur amitié d’autant plus vitale, seul point d’ancrage de leur existence. Leur condition îlienne rappelle ainsi celle du personnage de Swann Arlaud dans Petit paysan, premier film du réalisateur, qui était lui aussi coupé de l’extérieur.

Mika et Dan ont fait le vœu de s’enfuir à la Réunion, paradoxalement un autre territoire isolé. Ce rêve semble d’emblée inatteignable puisque synonyme d’une quête d’ailleurs par défaut. Or, pour le rester, sa représentation doit faire perdurer sa nature insaisissable. Verhoeven l’avait bien compris dans Total Recall, qui faisait de la dualité évasion/fantasme le moteur de la trajectoire de son protagoniste. Dans l’Impasse, Carlito tente durant tout le film de se libérer de son passé pour s’offrir un avenir plus lumineux, mais termine son parcours sur un brancard en contemplant avec nostalgie un panneau publicitaire flanqué du slogan « Escape to Paradise », reprise de tous les codes du fantasme des vacances exotiques. Un pied dans la tombe, à un pas du paradis.

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Cette dualité entre leur réalité terne et leur désir trop beau, trop gros, aurait pu trouver une belle incarnation dans le réinvestissement du mythe de Moby Dick. Exit la colossale baleine sanguinaire, bonjour le gros poisson inoffensif. Au déficit d’enjeu dramatique comparé au texte originel d’Herman Melville, le cinéaste contrebalance en chargeant ses deux protagonistes d’un enthousiasme étonnant dans ce semblant de chasse au trésor. Mais cette intrigue fait hélas doublon avec leur désir d’évasion et tombe un peu vite aux oubliettes. 

Ce détournement de l’attention symptomatise les limites de Météors. Les bonnes idées sont nombreuses mais, entassées les unes avec les autres comme des voyageurs dans un métro bondé, elles suffoquent, incapables de pleinement s’exprimer. C’est particulièrement frustrant en ce qui concerne les craintes de Mika à l’égard de la déchetterie nucléaire, un sujet original qui aurait mérité plus de matière, mais qui a toutefois le mérite de mettre en avant une problématique réelle pour certaines populations rurales qui côtoient quotidiennement ces lieux intimidants. Charuel est rattrapé en fin de course par toutes les portes qu’il a ouvertes et se retrouve contraint de précipiter la conclusion de son histoire, quitte à démultiplier sa fin et la fragmenter entre choix formels et atmosphériques, diluant ainsi l’homogénéité de son long-métrage. 

Bande-annonce