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MATERIALISTS

À l’emploi d’une agence de rencontre new-yorkaise, Lucy a pour tâche de dénicher le meilleur parti possible pour des clientes aux nombreuses exigences. Après de nombreuses années sans attache, elle se décide enfin à fréquenter Harry, héritier d’une grande fortune rencontré au mariage d’une cliente. 

Critique du film

Petit événement de la fin d’année 2023, Past Lives avait globalement fédéré autour de sa capacité à retranscrire le phénomène d’occasion manquée. L’amour y était un sentiment passé dont les éclats atteignaient un présent sans avenir pour une passion renaissante. Materialists n’est que le deuxième film de Celine Song, il a pourtant la lourde tâche d’être à la hauteur de son aîné, un pari presque impossible lorsqu’on est le successeur d’un long-métrage déjà considéré par certains comme l’un des meilleurs de son temps. La réponse immédiate serait d’affirmer que si Past Lives possédait toutes les qualités du film d’amour intimiste par excellence, Materialists collectionne les défauts de la fausse rom-com pseudo parodique. L’idée était louable de vouloir s’aventurer vers un genre souvent décrié, encore aurait-il fallu avoir suffisamment d’idées pour le rendre subversif. 

En l’état, Materialists tente d’aborder un sujet actuel et peut-être plus universel : l’amour par le prisme des critères. À l’ère des Tinder, Fruitz et autres applications de rencontre basées avant tout sur la recherche d’un partenaire idéalisé, la critique d’un système algorithmique défiant toute alchimie pure avait de quoi attirer et interroger célibataires épanouis et amoureux transis. La faute à une représentation trop caricaturale, et binaire de surcroît, le scénario laisse pourtant hors du film des relations telles que nous les vivons à notre époque. Le dilemme est souvent trop simpliste : l’argent ou l’amour ?

Materialists
Le « matérialisme » que tente tant de critiquer le film pourrait trouver écho dans notre société actuelle, le personnage de Pedro Pascal incarne d’ailleurs un certain type d’hommes presque incapable de se voir autrement que par leur capital total. Sa personnalité est d’ailleurs explicitée à travers son appartement, filmé avec une froideur lassante. Mais le trait est trop appuyé pour paraître un minimum intellectualisé et concrètement intellectualisable. Certes, nous vivons dans une société capitaliste, mais tous les humains ne considèrent pas les sources matérielles comme le premier intérêt de l’autre. 

Les calculs ne sont pas bons, Céline

C’est en tentant de développer cette évidence que Celine Song espère embarquer le spectateur. Dès lors, le propos ne pouvait que tourner court pour la majorité du public, déjà aux faits que l’humain ne se limite pas à des mathématiques et des statistiques. Il y a un sincère intérêt à rendre un peu absurde cette manière dont l’amour peut parfois se créer, mais Materialists en fait un postulat inutilement grossier, quitte à parfois annuler les rares véritables critiques disséminées dans le récit. Plus regrettable encore, pourquoi le tournant tragique qui survient au milieu du film (ce qu’on comprend être une agression sexuelle) est-il balayé de la sorte, occultant ainsi la gravité de l’incident et son traumatisme pour la victime ?

materialists

Materialists est un film qui se voudrait dans l’air du temps, dommage qu’il n’en soit qu’une parodie sympathique mais majoritairement frustrante. Les personnages s’effacent, se remplacent et s’enlacent sans que tout cela ait un sens un minimum réfléchi. Les trajectoires de pensées n’évoluent que par le biais d’une écriture qui en a voulu ainsi et ne donne jamais l’impression que les protagonistes sont maîtres·ses de leurs idéologies amoureuses. Les forces du deuxième film de Celine Song ne se manifestent par petites touches, une certaine vérité ressortant parfois, notamment lorsque ce dernier s’essaie à déconstruire la valeur d’un individu.

« Les calculs ne sont pas bons » s’exclament la matchmakeuse interprétée par Dakota Johnson, comme si la somme de ses qualités n’équivalait en rien celle de son potentiel amant. L’amour sous forme pragmatique, ce thème central possédait un réel potentiel que Song ne parvient pourtant jamais à transcender. L’émotion reste cantonnée à de rares instants lucides, tandis que le reste se perd, s’étire dans des questionnements finalement trop peu humains pour rappeler la maestria des relations impossibles du précédent long-métrage de la réalisatrice.

Bande-annonce

2 juillet 2025 – De Celine Song