LES ÉTERNELS
Depuis l’aube de l’humanité, les Éternels, un groupe de héros venus des confins de l’univers, protègent la Terre. Lorsque les Déviants, des créatures monstrueuses que l’on croyait disparues depuis longtemps, réapparaissent mystérieusement, les Éternels sont à nouveau obligés de se réunir pour défendre l’humanité…
Critique du film
Le choix de la cinéaste Chloé Zhao pour diriger un projet de l’Empire Disney Marvel a de quoi interpeller. Connue pour ses films indépendants et son triomphe aux Oscar avec Nomadland, elle se retrouve à la tête d’un film développant une partie méconnue du Marvel universe, Les Éternels. Cette histoire s’inscrit dans un pan bien particulier, celui des super-héros « cosmiques », aux origines lointaines et à la portée dépassant de très loin le cadre de la petite planète Terre. Le grand Jack Kirby, co-créateur de tout l’univers Marvel, fut l’instigateur de cette vague à la maison des idées en 1976, quelques années après avoir fait de même chez DC Comics avec ses New Gods, panthéon de surhommes dominant les simples vigilante des métropoles terriennes, chefs d’orchestre de desseins plus grand que la vie.
Quelle identité et quel regard pouvait bien apporter la réalisatrice de The Rider dans une machine aussi resserrée en termes de possibilités créatives ? Malheureusement peu de choses tellement le chemin semble écrit en amont pour servir les plans du déploiement marketing de ces franchises à gros budgets. Les Eternels sont des personnages presque divins, qui ni ne vieillissent ni ne meurent de maladie, présents sur Terre pour servir leur maître Arishem, le plus ancien des Célestes, et éradiquer les Déviants, créatures diaboliques attaquant les humains. L’intrigue est, dès lors, assez basique. Une fois la mission accomplie et le dernier Déviant achevé, les Éternels disparaissent dans la masse humaine, attendant de pouvoir repartir dans les étoiles pour une autre mission.
Cette laborieuse introduction achevée, nait une intrigue où, de nos jours, réapparaissent des Déviants, différents, capables d’absorber les pouvoirs des Eternels, représentant un danger nouveau et plus inquiétant. La nature même de ces personnages, les buts recherchés par leur « maître », bouleverse ce que l’on croyait avoir compris de la trame narrative. Malgré tout, il faut reconnaître une grande absence de surprises dans Les Eternels, tellement les revirements sont prévisibles et manquent de panache. Tout n’est qu’esquissé, avec cette impression durable d’assister à une cinématique de jeu vidéo dont on connait par avance le dénouement.
La direction artistique est également très décevante, que ce soit en terme de costumes, armures de cuir assez ternes, ou de conceptualisation des Déviants qui pourraient être des chutes de n’importe quel film précédent de la firme aux grandes oreilles. Ces personnages sont censés être les grands secrets de l’histoire humaine, tapis dans l’ombre mais ayant eu un grand rôle dans le développement des civilisations de la planète, et pourtant jamais on ne ressent cette intensité ou le début d’un souffle romanesque les entourant. Chaque scène est enrobée d’une volonté louable de représenter chaque composante de la société, tant ethnique dans les orientations sexuelles, sans que cela arrive néanmoins à trouver un équilibre avec la nécessité de raconter une histoire crédible et divertissante.
Quant à Chloé Zhao, quelques plans au Dakota du sud avec Salma Hayek semblent presque des prétextes pour signaler que c’est bien elle qui tient les commandes du film et non le ou la première venue. C’est à l’image du reste du long-métrage : des illustrations sans véritable fond, sans envie de creuser un peu plus loin des idées tout juste énoncées. Ikaris aurait pu être un personnage intéressant, grand défenseur de la mission des Eternels jusqu’au sacrifice de ses pairs, et pourtant l’acteur Richard Madden a bien du mal à nous faire croire dans sa capacité à incarner l’adversité dans le film. Son seul super-pouvoir semble être d’avoir une barbe de trois jours éternelle, que nous soyons à l’aube des temps en Mésopotamie, ou en 2021 au beau milieu de l’océan.
Les scories habituelles de ce type de production sont bien présentes, étouffant toute velléité de la réalisatrice de donner une autre dimension à son film. Placement de produit face caméra, blagues qui fusent toutes les deux minutes pour ne jamais donner un ton qui pourrait être sérieux, et bien sûr ce qu’il faut d’éléments rappelant que si c’est un long-métrage c’est surtout une pièce dans un puzzle qui le dépasse. Les traditionnelles séquence post-génériques sont là pour ça, établir le pont avec la suite qui interviendra sous peu, consacrant l’aspect jetable des Eternels qui jamais ne réussit à exister par lui-même, empêtré dans un arsenal marketing qui n’a que faire du cinéma.
Bande-annonce
3 novembre 2021 – De Chloé Zhao, avec Gemma Chan, Richard Madden et Salma Hayek.