Dodin Bouffant

LA PASSION DE DODIN BOUFFANT

Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.

CRITIQUE DU FILM

Depuis L’odeur de la papaye verte en 1993, le réalisateur vietnamien Tran Anh Hung a toujours apprécié mettre en scène des tranches de vie, dans leur épure et leur simplicité. Son nouveau film, La passion de Dodin Bouffant, aborde de la même manière un personnage phare de la gastronomie française, avec la volonté de montrer les gestes, la préparation et l’amour de la cuisine. On avait quitté Benoît Magimel renfrogné et contrit dans son rôle ingrat du Rosalie de Stéphanie di Giusto, on le retrouve le sourire aux lèvres dans toute la générosité de ce grand cuisinier qui réalise ses recettes et menus avec la précision et l’amour d’un artiste peintre devant sa toile blanche.

Dodin, Eugénie, Violette et Pauline sont introduits dans l’histoire par la cuisine. On constate que si le titre du film célèbre un homme, c’est bien Juliette Binoche et son personnage d’Eugénie qui rayonnent dans ces moments de préparation dont on ne sait pas encore vers quoi ils tendent. C’est un vaste repas entre amis qui en est l’aboutissement, de fins connaisseurs amis du cuisinier, se délectant des prouesses de ce lieu où l’on vient de loin pour déguster des plats d’une grande sophistication.

Ce descriptif effectué, il faut bien reconnaître qu’on ne sait pas trop de quoi parle le film, serait-ce une histoire d’amour qui trouve son axe autour de la cuisine ? Une célébration de la gastronomie nationale ? Ou bien un drame sous fond de passages des saisons, à l’instar du précédent film de l’auteur, Eternité (2016). Cette confusion qui perdure pendant les 2h15 du film, est un premier écueil. Le second est la difficulté à souffrir de ces dialogues autour des aliments et des saveurs, de véritables clichés débités sans grande conviction par des acteurs et actrices pourtant chevronnés. À ce jeu, c’est sans doute Binoche qui s’en sort le mieux, réussissant à donner à son personnage plus de vie et de détails que sa fonction ne pouvait le laisser supposer. Magimel, un acteur au demeurant magnifique, a plus ici de difficultés à faire exister son Dodin, constamment encapsulé entre l’euphorie de la création gustative et l’affliction du drame qui intervient dans le dernier tiers de l’histoire.

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Il y a quelque chose de vain et de répétitif à voir ces convives richement vêtus se délecter, plat après plat, de mets plus complexes et rares, sans que le monde qui les entoure ne semble jamais exister. Il faut aussi soulever le manque de finesse dans certains plans où les raccords entre un fruit et un corps féminin relèvent plus de la lourdeur pâtissière que de la légèreté d’un vol au vent. Passé la première séquence de repas, toutes celles qui suivent ne sont que des redites qui sont à la fois des bégaiements mais aussi la marque d’une absence de direction dans la proposition qui nous est servie. Le premier service avait de l’allure, les suivants manquent de fraîcheur et d’audace, à l’image des demandes en mariage de Dodin à Eugénie.

Si l’on peut reconnaître à La passion de Dodin Bouffant un caractère reposant et inoffensif, une bulle de respiration culinaire apaisante et champêtre, il reste bien peu de choses en mémoire une fois le film terminé. La réunion entre Benoît Magimel et Juliette Binoche tourne également un peu court, leurs rencontres nocturnes n’étant pas à la hauteur de la poésie espérée avec quelques uns des très jolis plans inauguraux du film. Si l’on ne souffre pas d’indigestion après le consommé du velouté de Tran Anh Hung, on peut être déçu du manque d’audace qui ne permet pas au film de se distinguer suffisamment haut pour émouvoir et réussir sa recette.

Bande-annonce

De Tran Anh Hung, avec Juliette Binoche, Benoît Magimel et Pierre Gagnaire.


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