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LA LISTE DE SCHINDLER

Evocation des années de guerre d’Oskar Schindler, fils d’industriel d’origine autrichienne rentré à Cracovie en 1939 avec les troupes allemandes. Il va, tout au long de la guerre, protéger des juifs en les faisant travailler dans sa fabrique et en 1944 sauver huit cents hommes et trois cents femmes du camp d’extermination de Auschwitz-Birkenau.

« Quiconque sauve une vie, sauve le monde entier »

C’est l’Histoire tragique que l’on connaît tous. Dans un noir et blanc pourtant élégant s’écoule le sang, les larmes et la mort. Le drame qui se déroule à l’écran ne trouve sa musique que dans la douleur, dans le bruit assourdissant de la peur. L’horreur glaçante de la haine, qui dépasse le simple «  inspiré de faits réels ». La Liste de Schindler est sans doute le film le plus mature de Spielberg, qui délaisse l’insouciance pour  quelque chose de plus dur, plus froid. Vingt-cinq ans après, le film retrouve le chemin du grand écran dans une version restaurée et prouve qu’il n’a pas perdu de sa superbe.

Oskar Schindler, dont le nom éponyme inspire une dimension héroïque, n’a pourtant rien d’un héros. Amateur des plaisirs de la vie, de la bonne chère et de l’argent, Schindler voit dans la guerre une opportunité de s’enrichir. C’est avant tout un homme d’affaire, charismatique mais détestable, obnubilé par son intérêt et qui profite du faible coût de la main d’œuvre juive pour prospérer. Membre du parti nazi, Schindler éprouve d’abord peu de considération envers ses ouvriers, simple matière première de son usine. Loin d’être manichéen, le film dresse le portrait complexe et ambigu d’un bienfaiteur plus que d’un véritable héros, qui a su utiliser son privilège pour sauver un peuple martyrisé.

Collaborant volontiers avec les nazis, Oskar Schindler se retrouve malgré lui sur le camps de Plaszów, où sa main d’œuvre a été déportée. Sous la protection du SS Amon Goeth, Schindler n’hésite pas à entretenir son amitié avec les nazis à travers divers cadeaux et pots-de-vin afin d’assurer la prospérité de son usine. Sa transition vers le « bien » est progressive, et ne s’accomplit véritablement que dans le dernier acte. Prenant conscience de la barbarie nazie, et surtout, conscient d’avoir amassé plus d’argent qu’il ne l’espérait, Schindler parvient à manipuler Goeth et le convainc d’avoir son propre camp. Il établit alors une liste, comptant pas moins de 1100 noms juifs, qu’il achètera aux nazis pour pouvoir les entretenir, jusqu’à la ruine.

La liste de Schindler

La guerre touche à sa fin. La scène est déchirante : Schindler qui avait jusqu’alors réprimé toute émotion, éclate en sanglots. Elle marque la fin d’une cruauté insoutenable, mais aussi le regret d’un homme qui aurait aimé sauver plus que ce qu’il ne pouvait. Une conscience certes tardive, mais qui mérite d’être saluée, car elle a fait le choix de la vie. Un acte ultime, rempli d’espoir car il témoigne d’une humanité retrouvée. Et c’est précisément ce qui peut faire changer le monde.

Une Histoire de violence

Les véritables héros de la Liste de Schindler s’incarnent dans le peuple juif, dont le courage et la résilience sont sublimés. Le film fait le choix de ne rien épargner, et témoigne d’une horreur insoutenable, quasi-documentaire. La liquidation du ghetto est ainsi d’une violence insupportable : sans musique, le film montre sans concession le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants et résonne de leur douleur et de leur détresse. Une violence cruelle, car injustifiée, et qui se matérialise dans le personnage d’Amon Goeth, sans doute l’un des « méchants » les plus détestables du cinéma, dont le cœur n’a rien d’humain. Tuant de sang froid, non sans un certain plaisir, Goeth est un monstre impitoyable rongé par la haine et qui ne peut être sauvé. Sa condamnation à mort pour crime contre l’humanité a quelque chose de paradoxal : il y a une certaine délectation à voir cet horrible personnage mourir, dans une mise à mort presque comique qui traîne en longueur. Il y a pourtant quelque chose d’étrangement contradictoire avec le propos du film : en voulant voir triompher la mort (à travers une justice nécessaire), on tombe soi-même dans la haine.

Dans ces ténèbres écrasants se trouvent pourtant une lumière bienveillante, un optimisme nécessaire. Le noir et blanc laisse alors place à la couleur, pour signifier un retour aux couleurs chatoyantes de la vie. Les acteurs s’avancent, main dans la main avec le réel  pour déposer une pierre sur la tombe d’Oskar Schindler. La scène est d’une beauté émouvante. Le réel ne dépasse pas la fiction, comme on aime le dire, mais il l’accompagne avec amitié. Car dans la Liste de Schindler, la fiction veut à la fois témoigner et rendre hommage aux survivant.e.s comme aux disparu.e.s. Elle joue le rôle délicat de devoir de mémoire, et se doit de coexister avec le réel.

Pour cette ressortie en salle de La liste de Schindler le 13 mars prochain, le film est précédé par un bref mot de Steven Spielberg. Le cinéma contient en son sein toute l’humanité du monde, et se doit aussi, à travers sa puissance émotionnelle, de rappeler que « L’amour triomphe toujours de la haine »


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