LE JEU
Le temps d’un diner, des couples d’amis décident de jouer à un « jeu » : chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, etc. devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce « jeu » se transforme en cauchemar.
La boîte noire
Après avoir fait le bonheur du cinéma français dès son premier long-métrage, l’excellent et haletant Pour elle avec Vincent Lindon, et confirmé avec le plutôt efficace À bout portant, Fred Cavayé avait déçu avec le légèrement embarrassant Mea culpa (pourtant pas ignoble dans sa mise en scène) et sa collaboration avec le fatiguant Dany Boon, avec Radin. Après tant de promesses, le voir céder aux sirènes de la comédie franchouillarde qui rapporte gros sans trop se fouler était une pilule difficile à avaler. Son nouvel essai dans le genre, un remake d’un film populaire italien, allait forcément être attendu au tournant.
Après avoir modifié certains personnages et quelques éléments pour rendre le film crédible dans un contexte français, Fred Cavayé a composé un casting de qualité pour faire tenir son huis-clos théâtral sur de solides épaules durant quatre-vingt minutes : Bérénice Béjo, Suzanne Clément, Stéphane De Groodt, Vincent Elbaz, Grégory Gadebois, Doria Tillier, Roschdy Zem. Partant du postulat que tout le monde a des secrets et probablement des choses peu reluisantes à cacher derrière le code PIN de son smartphone, Le jeu fait vaciller les certitudes amoureuses et amicales, et questionnent les dynamiques de groupe derrière son initiative ludique – et son prétexte lunaire tiré par les cheveux. Quand un appareil électronique devient l’antagoniste principal d’une soirée, cela peut faire des étincelles.
Cette « roulette russe » qui ne demande qu’à déraper fera forcément des éclaboussures, provoquant le rire ou la gêne dans les salles obscures. Taillé pour fonctionner, comme le savoureux Le dîner de cons ou l’insupportable Le prénom auparavant, le nouveau long-métrage de Cavayé profite surtout des talents de Bérénice Béjo (comme toujours irradiante), Stéphane De Groodt (touchant), Grégory Gadebois (drôle et attachant) et Suzanne Clément (qui poursuit son exploration du cinéma français depuis que Xavier Dolan l’a révélée au public hexagonal) quand il s’agit de rattraper in-extremis une séquence qui pourrait basculer dans la facilité. On retiendra notamment le beau moment d’intimité intentionnellement volé par Bérénice Béjo à son époux fictif (Stéphane De Groodt), dans la cuisine, autour d’une confession thérapeutique, ou encore le coup de fil de leur adolescente cherchant conseil auprès de son père.
De jolis instants d’émotion et de subtilité, loin de la débauche d’énergie comique de l’ensemble (qui pourra en fatiguer plus d’un), qui permettent à Le jeu de garder une petite tête au-dessus de la masse industrielle.
La fiche