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CONFUSION CHEZ CONFUCIUS

Dans le Taipei des années 1990, les tribulations d’une bande de jeunes adultes autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité en difficulté financière. On y croise entre autres Akeem, son riche fiancé totalement immature ; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle ; et Qiqi, son assistante personnelle dont la perfection affichée cache de nombreuses failles. Quelques jours vont suffire à remettre en question les aspirations, désirs et croyances de cette galerie de personnages…

Critique du film

Resté inédit en France jusqu’à aujourd’hui, Confusion chez Confucius avait été très mal accueilli à sa sortie à Taïwan, essuyant un terrible échec public et ne trouvant aucun distributeur acceptant de l’exporter – peut-être en raison de son pessimisme envers la nature humaine et de sa complexité ? Le film oscille entre plusieurs genres et changements de tons à différentes reprises pour offrir un divertissement riche de sens et plastiquement très abouti. 

Cinquième long-métrage d’Edward Yang (Yi Yi, Mahjong) réalisé en 1994, Confusion chez Confucius – le titre original signifie L’Âge de l’indépendance – peut être considéré comme ce qu’on appelle maintenant communément un film choral. Tournant autour de huit personnages du même âge, autour de la trentaine et du même milieu, assez aisé et en rapport avec la publicité ou la télévision. Nous sommes à Taipei, ville en plein essor et en mouvement permanent. L’action prend place pendant quelques jours, durant lesquels ces personnages vont évoluer, perdre certaines illusions, mais aussi voir quelques-unes de leurs relations, qu’ils pensaient stables et solides, se déliter. 

Molly doit épouser Akeem, mais leurs caractères semblent bien opposés et l’homme paraît peu stable. On y croise aussi notamment une présentatrice de télévision, un écrivain célèbre qui vit reclus, un metteur-en-scène exubérant qui n’hésite pas à donner une conférence de presse en déambulant en patins à roulettes ou une assistante en apparence bien sous tous rapports. 

confusion chez confucius

Affaires de cœur, relations amicales et tensions professionnelles s’y trouvent radiographiées avec précision, intelligence et subtilité, sans jamais négliger un humour corrosif et une profonde sensibilité. La référence à Confucius dans le titre français, et dans le film, fait allusion à un ouvrage qu’un écrivain a cherché en vain à faire publier. Confucius enseignait entre autres de traiter affaires publiques et privées de la même façon. Ici, un auteur cherche à témoigner du dévoiement de cette pensée et de diverses activités : la vie en entreprise, mais aussi la création artistique et de façon plus générale, l’amour, l’amitié et les relations humaines dans leur globalité. Dans son très bel ouvrage consacré à Edward Yang – Le Cinéma d’Edward Yang aux éditions Carlotta – Jean-Michel Frodon, compare, avec des nuances, ce long-métrage passionnant à La Règle du jeu de Jean Renoir pour sa richesse et l’acuité de son regard sur les faiblesses humaines. 

Superbement cadré et photographié, Confusion chez Confucius offre des scènes d’une éblouissante beauté visuelle, notamment des déambulations nocturnes, ou des moments humoristiques littéralement burlesques où le ridicule de certains personnages éclate, notamment celui des hommes. Les figures féminines semblent plus matures, plus sincères, plus profondes et courageuses, notamment Molly. Les atermoiements sentimentaux des protagonistes, leurs manœuvres professionnelles et leurs petits arrangements avec leurs idéaux, tout cela fait le sel d’une brillante comédie dramatique portée par une très belle interprétation homogène et une écriture du même niveau, tant la psychologie des personnages est fouillée et les dialogues constamment réjouissants, par leur drôlerie ou leur lucidité.

Bande-annonce

16 juillet 2025 – D’Edward Yang