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CHANTONS SOUS LA PLUIE

Carte blanche est notre rendez-vous pour tous les cinéphiles du web. Une fois de plus, Le Bleu du Miroir accueille un(e) invité(e) qui se penche sur un thème cinématographique ou audiovisuel qui lui est cher. Pour cette cinquantième édition, nous avons le plaisir de recevoir les mots de Maximilien Pierrette, journaliste cinéma et série pour Allociné. Il a sélectionné pour nous un classique intemporel cher à son coeur, Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly.

« C’est une carte blanche, tu peux vraiment partir sur ce que tu veux ». Très bien. Et me voici donc, en guise de carte, face à l’équivalent de la map d’un jeu vidéo en monde ouvert dans lequel je pourrais inévitablement me perdre. Que choisir alors ? Mon film préféré ? Une pépite que je souhaite faire découvrir ? Un long métrage que j’ai (re)vu récemment ? Ou qui m’est particulièrement cher ? Un top 50 sinon ? Les options se succédaient les unes après les autres dans ma tête, quand est arrivée l’évidence. Celle qui combine les différents critères envisagés (à part le côté méconnu) : Chantons sous la pluie.

Soit le plus feel-good de tous les feel-good movies. Un classique que l’on retrouve, à très juste titre, dans chaque liste des meilleurs films de tous les temps. C’est d’ailleurs comme ça qu’il m’a été présenté lorsque mes parents, un soir de février 1996, l’ont enregistré en profitant d’une rediffusion à la télé, en hommage à Gene Kelly disparu quelques jours plus tôt. Une VHS à laquelle je n’ai pourtant pas touché, ce que je ne m’explique toujours pas. Peut-être parce que, à l’époque, j’associais la comédie musicale à La Mélodie du bonheur, que je ne suis jamais parvenu à aimer. Ça n’était heureusement que partie remise, quelques années plus tard, au moment de mon entrée en fac de cinéma, bien décidé à combler quelques lacunes. Dont celle-ci. Et l’occasion va très vite se présenter, lors d’un cours où il nous est demandé d’analyser les premières minutes. Résultat : un coup de foudre. Autant dire qu’il ne m’a pas fallu longtemps pour, enfin, voir le film dans son intégralité ensuite.

I FEEL GOOD (IN THE RAIN)

Mais peut-être que son histoire vous intéresse plus que mon cursus, ce qui peut se comprendre. Sachez donc que Chantons sous la pluie parle de cinéma, d’Hollywood et de ce moment-charnière où les films se sont mis à parler, forçant l’industrie à se réinventer, quitte à ce que plusieurs stars du muet se retrouvent dans l’ombre. Parmi elles, Don Lockwood, bellâtre au sourire utra bright qui aime écrire sa propre légende en enjolivant la réalité comme nous le montre la première séquence, toute en gags et en décalage. La suite sera aussi drôle, énergique et musicale, avec une pointe de romance en plus : non pas avec l’horripilante Lina Lamont, sa partenaire à l’écran à qui les tabloïds l’ont fiancé, mais avec Kathy Selden, jeune danseuse pas impressionnée par son aura de vedette et qui pourrait bien être la solution à l’un de ses problèmes.

Chantons sous la pluie

Ce que ce synopsis ne dit pas, c’est que Chantons sous la pluie est un véritable enchantement qui défile à la vitesse de 24 images par seconde. Une source de bonheur constant qui colle avec chaque saison, chaque état d’esprit : il pleut dehors ? Très bien, ce sera dans le ton (difficile de ne pas y penser lorsque l’on se retrouve sous une averse, ce qui aide à oublier qu’on n’a pas pris de manteau, capuche ou parapluie). Il fait chaud ? Sa bonne humeur rafraîchissante est ce qu’il vous faut. Un coup de mou ? Voici un médicament tout trouvé. Et pendant les fêtes de fin d’année tiens ? Ça fonctionne aussi, car si le récit ne se déroule pas à Noël, sa grande générosité est raccord avec la période. Rares sont les opus à atteindre ce niveau de perfection, et cette comédie musicale reste, aujourd’hui encore, l’un des meilleurs représentants du genre.

OÙ IL Y A GENE, IL Y A DU PLAISIR

Pour une raison toute simple déjà : c’est une comédie très réussie et drôle, et un film bourré de numéros marquants. A tel point que le célèbre « Chantons sous la pluie » du titre n’est finalement pas mon préféré. Non, j’éprouve davantage de tendresse (et d’admiration) pour l’acrobatique « Make ’Em Laugh », one-man show de Donald O’Connor, ou le charmant « Good Morning ». Sans oublier cette longue séquence qui revient sur le parcours de Don Lockwood dans des décors qui évoquent les spectacles de Broadway et, chose amusante, préfigurent les planches sur lesquelles le long métrage sera ensuite transposé. Si l’on voulait schématiser, et sans réduire l’importance de ses partenaires, le résultat est à l’image de Gene Kelly, danseur hors-pair qui sait parfaitement faire des claquettes et le clown en même temps. Un talent que j’avais pourtant entraperçu dans Les Demoiselles de Rochefort, que mes parents m’avaient montré, et dans lequel il ne m’avait pas autant fasciné.

Chantons sous la pluie
Ainsi est née ma passion pour lui, qu’aucun de ses autres films n’est venu remettre en cause, même en étant inférieurs à celui-ci. Mais Chantons sous la pluie, c’est aussi l’œuvre de Stanley Donen, co-réalisateur avec Gene Kelly qui n’a pas servi qu’à boucher les trous entre deux séquences musicales. Loin de là. Et les différents re-visionnages permettent de lui rendre justice, car on cerne mieux son sens de la comédie et de la direction d’acteurs. Outre sa collaboration avec l’interprète de Don Lockwood, je chéris tout particulièrement ses longs métrages avec Audrey Hepburn : Drôle de frimousse et le doublé Charade et Voyage à deux, qu’il a enchaînés avec brio au cœur des années 60. J’ai souvent l’impression que celui qui nous a quittés il y a un peu moins de deux ans est un metteur en scène sous-estimé de l’âge d’or hollywoodien, alors qu’il a signé quelques classiques, ou opus qui mériteraient d’être considérés comme tel. Celui-ci l’est plus que les autres, car il résulte d’un alignement des planètes quasi-miraculeux, une association de talents dans laquelle chacun donne le meilleur de lui-même.

PLUIE DE BONHEUR

Euphorisant et indémodable, le résultat fait partie de ces films dans lesquels j’aime me replonger, année après année. Parce que je ne m’en lasse pas alors que je le connais par cœur. Mais aussi parce qu’il symbolise une étape importante de ma vie : mon entrée en fac où je suis parvenu à trouver ma voie alors que je souhaitais seulement, à l’époque, travailler dans le monde du cinéma sans savoir exactement où. Voir Chantons sous la pluie et écrire dessus, avec bonheur, m’a grandement aidé à me mettre dans le bon état d’esprit et me donner envie de découvrir d’autres classiques, parfois moins facilement accessibles que celui-ci, et à ne pas rester sur des à priori. Cela me renvoie également à mon enfance et à ces longs métrages que mes parents m’ont montré, et qui ont été à l’origine de ma passion pour le 7è Art, qui m’habite encore aujourd’hui.

Alors oui, il m’a fallu un peu plus de temps que prévu pour découvrir Chantons sous la pluie malgré leur proposition. Mais je me suis bien rattrapé depuis car je ne compte plus le nombre de fois où j’ai revu ce film qui trône en bonne place dans mon panthéon personnel, que j’ai également vu deux fois sur scène à Paris. C’est aussi grâce à lui que j’aime les histoires qui se déroulent dans le milieu du cinéma, et le simple fait d’écrire sur celle-ci m’a, encore une fois, donné envie de revenir vers elle. Et c’est peut-être ce que je fais alors que vous lisez ces lignes. Mais vous n’en avez aucune preuve. Tou dou dou doum

Maximilien Pierrette

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