BAISE-EN-VILLE
Quand sa mère menace de le virer du pavillon familial s’il ne se bouge pas les fesses, Sprite se retrouve coincé dans un paradoxe : il doit passer son permis pour trouver un taf, mais il a besoin d’un taf pour payer son permis. Heureusement, Marie-Charlotte, sa monitrice d’auto-école, est prête à tout pour l’aider – même à lui prêter son baise-en-ville. Mais… C’est quoi, au fait, un baise-en-ville ?
Critique du film
Baise en ville. Un film de Martin Jauvat, par Martin Jauvat, avec Martin Jauvat. Une telle concentration des responsabilités est curieusement antinomique avec le personnage de Sprite qu’il joue à l’écran : un Tanguy doux-rêveur, plein de candeur. L’histoire se déroule à Chelles, déjà décor de son premier long-métrage, Grand Paris. Ce choix géographique a son importance. Au-delà d’un simple ancrage autobiographique, c’est la topologie des villes d’Île-de-France qui est ici observée : des villes mieux desservies par les transports en commun que les zones rurales, mais qui n’offrent pas la même liberté de déplacement nocturne que les grandes métropoles françaises (Paris, Lyon, Marseille).
Sprite veut devenir indépendant de ses parents. Pour prouver qu’il peut se débrouiller, il doit trouver un travail. Seulement, pas facile d’être embauché sans permis de conduire. Mais pour se payer des leçons de conduite, il lui faut un salaire. Bienvenue dans la vie adulte et ses passionnants casse-têtes chinois. Pour sortir de cette impasse, il demande de l’aide à son beau-frère, qui le promeut… stagiaire de son propre stagiaire. Un poste non rémunéré qui ne fait pas rêver et qui dit, mine de rien, quelque chose de l’accès au travail parfois ingrat et compliqué pour les jeunes.
Frustré de ne pas être rémunéré, Sprite adopte une stratégie de négociation imparable : le chantage. Il convainc son beau-frère de lui faire rencontrer quelqu’un susceptible de le mettre sur la piste de l’emploi. Il fait ainsi la connaissance de Ricco, fondateur d’une start-up originale. Le principe ? Ceux qui ont la flemme de nettoyer chez eux après une soirée peuvent appeler Allo Nettoyo (un nom légèrement sous-exploité au vu de son potentiel comique) afin de passer serpillière et aspirateur à leur place.

À partir de là, le film mue progressivement d’un film à sketchs un peu puéril vers une comédie toujours aussi loufoque, mais davantage incarnée. Cette montée en profondeur se fait avec une grande fluidité, dans un mouvement si imperceptible qu’on y perçoit toute la force de Jauvat. En parlant de choses qui lui sont proches, il parvient à donner chair à des situations qui, chez d’autres, n’auraient été que des pantins grotesques. Ainsi Marie-Charlotte, monitrice d’auto-école haute en couleur, a beau devenir la dating coach de Sprite, leur relation reste crédible : leurs personnalités fonctionnent comme des contrepoids. Elle est extravertie, presque hédoniste, quand lui demeure replié sur lui-même et mal dans sa peau.
Si certaines blagues sur Macron surgissent un peu abruptement vers la fin, et si le film ne développe pas de discours très élaboré sur la « start-upisation » du monde, c’est sans doute parce que Baise en ville cherche avant tout à brosser le portrait d’une génération large et floue dont Jauvat, en tant que membre, ne se moque jamais frontalement. Il préfère s’en amuser et en capter les aspects les plus burlesques.
Bande-annonce
28 janvier 2026 – De Martin Jauvat






