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FAMILY THERAPY

Dans une villa de verre au luxe froid et aseptisé, une famille slovène aisée maintient l’illusion d’une vie parfaite. Mais leur équilibre artificiel vacille dangereusement quand un jeune français mystérieux, aux liens secrets avec le père, fait irruption dans leur quotidien. 

Critique du film

Ne serait-ce que de par son synopsis, Family Therapy pourrait directement faire penser à une sorte de version slovène du Parasite de Bong-Joon-ho. Une maison cubique, totalement modernisée et habitée par une famille socialement et financièrement au-dessus de la norme, voit son quotidien changé après plusieurs rencontres avec des étrangers d’une classe sociale bien moins aisée. Passée cette extrapolation volontairement abrupte, les parallèles ne s’arrêtent pas là, bien que l’œuvre de Sonja Prosenc se rapproche finalement plus du zoo anthropologique que de la satire sociale disséquant de profondes inégalités de style de vie.

Le terme « zoo » sied en vérité parfaitement à l’analyse. La mise en scène accentue sans cesse un certain contraste entre la dépendance technologique de l’homme et son rapport à la nature ou, en tout cas, à ce qui relève du naturel. Cette grande demeure, englobant toutes les options de confort inventées par la race humaine, est une sorte de cage de verre donnant une vue plongeante sur une forêt verdoyante. L’objectif s’axe sur cette famille, vivant paradoxalement au milieu d’une nature sans jamais interagir avec elle. 

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C’est là qu’interviennent les « outsiders » du long-métrage, Julien (joué par Aliocha Schneider) ainsi qu’une famille de touristes endurant visiblement de nombreuses difficultés financières. Tous ces gens incarnent un certain retour au réel pour ces bourgeois déconnectés de tout. Family Therapy devient une sorte de « lite home-invasion », pas tellement en filiation avec l’horreur d’un Panic Room, mais une irruption étrangère qui vient bousculer les normes établies. Chaque membre de la famille accomplit alors un acte transgressif, la plus jeune se rapproche de l’environnement en s’accaparant quelques caractères animaliers, la mère s’émancipe de sa fonction d’artiste prétentieuse pour céder à ses pulsions. Même le père, endossant un long moment le rôle de dernier bastion civilisé, finit par entrer dans une errance psychologique totale.

Le tout est servi avec un travail de photographie assez remarquable, Mitja Licen (Piccolo Corpo, Drevo) est un argument solide en faveur du long-métrage. Le cadre resserré permet de se concentrer sur le peu d’éléments de décor présent à l’écran, toujours magnifiquement mis en valeur par un étalonnage millimétré. Les passages en intérieur et en extérieur se distinguent merveilleusement bien, renforçant cette sensation de voir les personnages avancer en milieu familier, ou au contraire, en dehors de leur confort habituel.

Pourtant, une difficulté à véritablement poser un véritable regard sur les éléments que le film critique subsiste dans Family Therapy. L’absurde ne l’est jamais assez pour pousser à la satire sociale, les confrontations entre « pauvres » et « riches » relèvent plus de l’ordre du détail que d’un véritable fond traversant tout le récit. Le concept de famille lui-même est assez lacunaire, la faute à des personnages qui ne bénéficient jamais d’une écriture équilibrée : les interactions sont banales, un peu lassantes à la longue tant aucun lien ne se fait ou ne se défait vraiment. Le film semble se conforter dans sa beauté esthétique pour ne pas toujours avoir à ramener des enjeux sur le devant de la scène. 

Family therapy

L’ennui, la monotonie d’un quotidien dicté par l’argent et un trop plein de confort aurait pu être une thématique exploitée pour correspondre à ces moments de pause imposés par le long-métrage, mais il faut croire que comme beaucoup d’autres idées, celle-ci n’aurait sûrement pas germé. Reste ainsi un mélange faussement aléatoire de situations, alternant entre les regards noirs d’un Aliocha Schneider ironiquement mutique, les lubies spatiales d’un père un peu naïf, et le mal-être des deux femmes de la maison. Avec un tel panorama, il semblait effectivement complexe de joindre tous les bouts afin de former un tout impactant.

Family Therapy n’en demeure pas moins une œuvre qui tente, qui se cherche, mais dont les essais sont laborieux. Difficile alors de se prendre au jeu quand le long-métrage lui-même semble légèrement bancal dans ce qu’il souhaite raconter ou critiquer. Nul doute que les interprétations seront plurielles, ce qui est une force en soi, dommage que chacune d’entre elles sera sûrement conclue par un inachèvement dans l’analyse. Le film de Sonja Prosenc est une masse éclectique, un peu pataude et lourde mais jamais en retrait, parfois l’ensemble fonce tête baissée, quitte à briser la vitre de notre incrédulité. 

Bande-annonce

27 août 2025 – De Sonja Prosenc