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EN BOUCLE

Une nouvelle journée commence à l’auberge Fujiya, nichée au coeur des montagnes japonaises. Une journée ordinaire… ou presque : car les uns après les autres, les employés et les clients se rendent compte que les mêmes 2 minutes sont en train de se répéter à l’infini… Certains veulent en sortir, d’autres préfèrent y rester, mais tous cherchent à comprendre ce qui leur arrive.

Critique du film

En boucle s’ouvre dans un calme presque cérémoniel : une femme en prière, un quartier japonais paisible, une lumière douce, et un silence attentif. La caméra s’attarde sur des gestes simples, le vent dans les arbres, le ruisseau qui s’écoule paisiblement, le temps qui semble prendre une pause. Puis, presque sans transition, l’agitation surgit à l’intérieur de cette petite auberge. Un admirateur en extase devant un romancier, deux amis impatients de dîner ensemble, tant de conversations qui se croisent sans s’écouter. Dans ce ballet apparemment ordinaire, un trouble naît. Quelque chose revient. Encore. Et encore. Laissant le spectateur dans l’incompréhension et dans une brève attente de sens au travers de ce méli mélo de discussions.

L’intrigue, dévoilée très tôt ne repose pas sur un suspens haletant,  mais sur une étrange acceptation : les personnages, pour la plupart, prennent rapidement conscience qu’ils sont coincés dans une boucle temporelle, et ne laissent pas de place à la réflexion, en cherchant à chaque boucle de prendre de nouvelles initiatives. Deux minutes, et pas une de plus. Un retour constant au même point de départ. Ce court laps de temps devient le théâtre d’un enchaînement de réactions en cascades : panique, rationalisation, déni, euphorie. Certains comprennent vite, d’autres passent à côté, quelques-uns s’en amusent, mais beaucoup sont lassés. 

Le film trouve sa richesse dans cette diversité de réactions. Alors que l’on pense que tout s’enchaîne trop vite au début, ne laissant plus d’évènements pour la suite, le scénario parvient à nous surprendre en mêlant comédie, romance, et philosophie. Chaque boucle, si identique dans sa forme, devient différente dans son essence. C’est dans ces variations subtiles que le film installe son cœur battant : les relations se creusent, les caractères se dévoilent, les masques tombent. Un cuisinier se découvre une âme de chercheur. Des clients s’adonnent à leurs pulsions les plus absurdes ou les plus sombres. Certains se raccrochent à leurs habitudes, d’autres prennent enfin les risques qu’ils évitent depuis toujours.

En boucle

Le temps ici ne fuit pas, il se tord. Il devient matière à expérimenter, à rêver, à regretter aussi. Car que faire quand le futur cesse d’exister ? La protagoniste principale, elle, ne cherche pas à fuire cette répétition mais à l’habiter pleinement. Chaque “deux minutes” qui s’écoule devient une chance de plus de réparer, ou du moins de comprendre, ce qu’elle n’a pas su protéger auparavant. Le passé refait surface et c’est dans ce présent sans fin qu’elle tente d’y répondre.

Plus qu’un film de science-fiction sur les boucles temporelles, En boucle se concentre davantage sur les relations humaines et le rapport que les personnages ont avec le temps. Certains rêvent d’un futur meilleur, d’autres pensent au passé, mais personne ne vit le moment présent. Cette boucle crée donc un paradoxe dans la vie de chacun, car à la fois le temps n’avance plus, mais il s’écoule indéfiniment. Ainsi, le film ne cherche pas à résoudre un mystère, mais à nous faire ressentir ce que le temps fait aux êtres, quand il s’arrête, ou pire : quand il recommence. Il porte donc un message qui touchera chaque spectateur à sa façon, en tant qu’il montre comment l’usure du quotidien révèle ce qu’on préfère parfois ignorer. Ces deux minutes de vie récurrentes deviennent, pour nous comme pour les protagonistes, un espace d’observation et de remise en question sur ce que l’humain fait du temps, ou de ce que le temps fait de l’humain.

Bande-annonce

13 août 2025 – De Junta Yamaguchi