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REFLET DANS UN DIAMANT MORT

Suite à la disparition soudaine de sa voisine de chambre, un ancien agent secret, reclus dans un palace de la Côte d’Azur, s’imagine que ses ennemis jurés refont surface. Surtout la redoutable Serpentik, qu’il n’a jamais réussi à démasquer. Oscillant entre présent et passé, il remonte le film de sa vie, au risque de découvrir qu’il n’y tenait pas forcément le meilleur rôle. Et que les diamants sont loin d’être éternels…

Critique du film

Objet de cinéma fascinant, le miroir renvoie les images instantanément, contrairement à la caméra qui les capture pour l’éternité. Leurs aspects antinomiques en font pourtant deux figures complémentaires, que ce soit à l’écran ou derrière la toile. Reflet dans un diamant mort est lui-même un film « miroir », s’amusant à tromper l’œil comme une multitude de répliques similaires dont on ne saurait distinguer la factice de l’originale. Avec ce long-métrage kaléidoscopique ultra-référencé, Hélène Cattet et Bruno Forzani signent une œuvre aux facettes étrangement déformées qui provoque un plaisir jubilatoire à savourer en totale perdition.

Il faut être admiratif du travail de distorsion apporté à tous les aspects du film. Presque impossible à ranger dans une quelconque case, Reflet dans un diamant mort prend tout de même pour base le film d’espionnage, empruntant aux britanniques la monumentale symbolique de l’agent secret telle qu’elle fut forgée à travers la saga des James Bond ou dans les films d’Hitchcock. Mais ce postulat de départ est loin d’être intangible, à la manière des corps malmenés tout au long du récit, l’émulsion cinématographique qu’est Reflet dans un diamant mort ne reste jamais la même. 

reflet dans un diamant mort

Le style volontairement excessif convoque les plans méditerranéens d’un Godard ou d’une Varda, tandis que l’action effrénée passe des courses-poursuites hitchcockiennes aux giclées de sang horizontales adulées par un certain Quentin Tarantino. Du cadrage au dé-cadrage, c’est parfois Wes Anderson qu’on voit cité, surtout lorsque les zooms en champ/contre-champ se concentrent frénétiquement sur deux personnages en pleine conversation. Malgré cette avalanche de références passées, Reflet dans un diamant mort s’extrait de son aspect brut, se taillant une forme unique, à la croisée des arts.

L’appui sur le reflet n’est pas qu’un simple gimmick, ni un outil visuel prétentieux, c’est davantage un constant renvoi aux inspirations les plus élémentaires. Il ne s’agit pas que de cinéma, mais d’une pluralité d’œuvres qui font somme pour donner un cachet hybride à chaque scène. La peinture y occupe ainsi une place prépondérante, la violence instantanée du Caravage est récurrente, le tableau représentant Judith et Holopherne étant même inséré de manière sporadique. Le film s’amuse même des styles, citant ouvertement les natures mortes, se moquant de leur caractère figé tout en conservant la mortalité qui les anime.

reflet dans un diamant mort

Reflet dans un diamant mort se déguise sans cesse, échappant à la compréhension tout autant qu’il fuit la redondance. Sa variété pourrait paraître un brin vulgaire ou trop explosive, elle fait pourtant du film un objet de cinéma passionnant, une œuvre aussi tape à l’œil que brillante. Passer d’une case de bande-dessinée franco-belge à une séquence expérimentale, que n’aurait pas renié Bertrand Mandico, est une expérience à part entière. Loin d’être juste un film-somme, l’idée est surtout ici de façonner des repères indistincts : le spectateur, sûr de ce qu’il voit, n’en est que plus troublé lorsque la caméra se penche sur le côté et dévoile un regard complètement neuf sur les événements.

Délicieusement pulp et quelque part un peu punk, Reflet dans un diamant mort fleure bon les films qui tachent, ceux des années 1980 souvent décriés pour leur mauvais goût et leur superficialité. Cattet et Forzani ont pourtant décongelé un tas d’expérimentations trop audacieuses, pour en faire une œuvre incarnant la multitude, un véritable prisme scintillant, dont chaque face incarne une nouvelle lecture. 

Bande-annonce

25 juin 2025 – D’Hélène Cattet et Bruno Forzani