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LES BONNES ÉTOILES

En Corée du Sud, il existe des boîtes dans lesquelles il est possible de déposer son bébé afin que celui-ci soit adopté par une autre famille. Sang Hyeon et son collègue Dong Su trouvent de nouveaux parents pour un enfant qui a été déposé dans l’une de ses boîtes. Ils concluent un accord spécial avec eux… mais la mère biologique du bébé, Yeong So, refait surface.

Critique du film

Trois ans après La Vérité, son premier film tourné en France, Hirokazu Kore-eda s’installe en Corée du Sud pour réaliser Les Bonnes Étoiles (Broker dans son titre original). Il y explore une réalité sociale aussi singulière que troublante : celle des « boîtes à bébé », dispositif permettant à des parents d’abandonner anonymement leur nouveau-né, récupéré ensuite par des structures d’accueil en vue d’un futur placement. Dans ce contexte, le réalisateur tisse une intrigue centrée sur deux hommes, Sang Hyeon et Dongsoo, qui exploitent ce système à des fins lucratives, frôlant dangereusement les frontières de la traite d’enfants.

Porté par un casting remarquable, le film réunit Song Kangho, inoubliable héros de Parasite, la charismatique Bae Doona, ainsi que les jeunes talents Gang Dongwon, Lee Jieun et même la chanteuse de K-pop IU. Chaque comédien·ne incarne avec justesse un personnage moralement ambivalent : la jeune mère au passé trouble qui abandonne son bébé, ou ces deux trafiquants aux allures de sauveurs déchus.

Le film met en lumière des figures cabossées, en quête de rédemption, où les intentions louables se heurtent à des actes condamnables. Et comme souvent chez Kore-eda, les liens familiaux, réels ou reconstitués, sont au cœur du récit. À l’instar d’Une affaire de famille, Les Bonnes Étoiles met en scène un groupe formé par les circonstances, éphémère et fragile, mais traversé d’émotions intenses. Cette famille improvisée partage un destin commun pendant quelques jours, dans une dynamique de solidarité inattendue, suspendue entre espoir et désillusion. La différence ici tient dans la spontanéité de cette union, moins réfléchie que dans ses films japonais, mais tout aussi chargée de tension et de tendresse.

Les bonnes étoiles

La narration avance à petits pas, fidèle au style du cinéaste : les personnages, d’abord opaques, se révèlent peu à peu, au gré des épreuves et des rapprochements. Le scénario, d’une apparente simplicité, se ramifie progressivement, dévoilant les strates intimes et les cicatrices de chacun. La quête d’un foyer pour le petit Woosung devient le fil rouge d’un voyage semé d’embûches : arnaques, poursuites policières, confrontations au passé. L’intrigue, finement construite, excelle dans l’art de distiller les non-dits et les émotions enfouies.

Au-delà de l’écriture, la mise en scène impressionne par sa subtilité. Le soin du détail et des cadrages, la douceur des regards : tout concourt à faire de ce nouveau film un moment suspendu, délicat, jamais démonstratif. La violence demeure souvent hors champ, remplacée par des tensions plus diffuses, émotionnelles et morales. Chaque interprétation, parfaitement ajustée, participe à cette harmonie. Récompensé du prix d’interprétation masculine à Cannes, Song Kangho campe un patriarche brisé, prisonnier de ses modèles familiaux défaillants, tandis que Bae Doona incarne une policière rigide mais humaine, pivot éthique du récit.

Même éloigné de ses terres nippones, ce nouveau long-métrage confirme l’extraordinaire cohérence de l’œuvre de Kore-eda. Qu’il filme au Japon, en France ou en Corée, il poursuit inlassablement son exploration des liens familiaux, de la maternité, de l’abandon et de la résilience. Les Bonnes Étoiles s’inscrit naturellement dans cette filmographie d’une rare sensibilité, sans jamais montrer de signes d’essoufflement.

Bande-annonce

7 décembre 2022De Hirokazu Kore-eda, avec Song Kangho, Bae Doona, Ji-eun Lee et Gang Dongwon.


Cannes 2022 – Prix d’interprétation masculine

Dernière mise à jour 13 avril 2025 par Sam Nøllithørpe ⚲ TP