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UNCLE FRANK

En 1973, Beth, encore adolescente, quitte sa campagne natale pour aller étudier à l’Université de New York où enseigne son oncle Frank, un professeur de littérature réputé. Elle découvre rapidement qu’il est homosexuel et qu’il partage sa vie depuis longtemps avec son compagnon Wally ; une relation qu’il a toujours gardé secrète. Mais le jour où Mac, le patriarche grincheux de la famille, décède subitement, Frank est contraint de retourner auprès des siens, accompagné de Beth et Wally, afin d’assister aux funérailles. Durant le trajet, il doit confronter les fantômes de son passé et regarder sa famille en face une fois arrivé sur place.

Critique du film

Les premières scènes d’Uncle Frank, nouveau long-métrage d’Alan Ball, présentent une jeune femme qui se sent à l’étroit dans sa famille de Caroline du Sud. Rien d’inhabituel là dedans, c’est une situation classique où l’on ne se reconnaît pas au sein d’un collectif qui ne brille ni par son intelligence, ni par son progressisme.

Si l’on distingue souvent les éléments les plus toxiques dans une réunion familiale, Betty, elle, préfère souligner l’importance de cet oncle qui ne semble pas vraiment lui non plus s’adapter à l’aise. Il est celui laissé de côté, raillé par le patriarche, dont l’avis ne compte pas, là où son cadet est sans cesse valorisé. Mais Frank est sophistiqué, instruit, et surtout il écoute sa jeune nièce et lui prodigue conseils et attention dont elle n’est pas coutumière, elle qui passe pour excentrique ou bizarre. Cet environnement rural des Etats-Unis est connu pour son conservatisme, sa bigoterie, spécialement quelques années à peine après le mouvement des droits civiques très mal vécu dans ces anciens États esclavagistes. Frank prend à part Betty et lui donne la plus belle leçon de vie qui soit : il lui apprend à être libre et à ne pas se soumettre à la fatalité qui entoure le destin des femmes de cette époque.

Betty, devenue Beth, diminutif du même prénom, Elizabeth, devient le véhicule narratif qui introduit l’univers de son oncle. Étudiante en première année à l’université de New-York, elle amène le spectateur dans l’intimité de Frank, qui prend à cet instant toute la place dans cette histoire. Agissant comme un coming-out, cette entrée dans son domicile et sa vraie vie, nous renseigne sur qui il est véritablement. Tout d’abord un universitaire accompli et respecté, et ensuite un homme en couple avec un autre homme, Wally, depuis dix ans.

Amour familial

Tout comme dans le récent Never, rarely, sometimes, always, on pointe du doigt le fossé qui sépare les états du Sud de la métropole new-yorkaise. La communauté gay ne se cache pas dans la Grosse pomme, les histoires d’amour entre personnes du même sexe pouvant se réaliser avec plus de liberté. Le point commun entre Wally et Frank est la rupture familiale. Tous deux vivent loin de leurs proches par peur de leur révéler leur orientation sexuelle, ils sont donc dans le mensonge permanent. Si Wally insiste sur la différence entre être gay en Arabie Saoudite et les Etats-Unis – chez les premiers on est passible de pendaison ou de décapitation -, il est frappant de remarquer que la perte de l’amour familial est présent dans les deux cas.

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C’est cet amour filial qui pose problème dans Uncle Frank, c’est lui qui est au centre de l’intrigue et noue la problématique enserrant les personnages. Aîné d’une fratrie de quatre enfants, Frank n’a qu’un modeste strapontin enduit de mépris à cause de la violence de son père, un homme religieux et conservateur qui connaît l’orientation sexuelle de son fils. Ce sujet est éminemment personnel pour Alan Ball, du scénario très proche de sa vie personnelle, jusqu’au choix de l’acteur Peter MacDissi, son compagnon dans la vie. L’authenticité de cette histoire, la force de ses dialogues, sont les éléments qui en constituent le ciment. Paul Bettany, l’acteur incarnant cet oncle si déterminant dans la vie de sa nièce, réalise des prouesses pour ce rôle. Il réussit tout à la fois à lui donner une impression de gravité, de sagesse, mais aussi de fragilité quand sa vie vire de nouveau dans le drame avec la mort de son père et les répercussions de celle-ci.

Si le sujet paraît déjà beaucoup traité, il l’est rarement avec autant de sensibilité. L’auteur de Six feet under rappelle à quel point le contexte familial peut être toxique et impacter chacune de nos décisions. Au delà de la question de l’homosexualité, le film à travers ses personnages souligne qu’il ne faut pas sacrifier à ses proches le besoin fondamental de trouver sa propre voie, loin du cadre normatif imposé par la pression sociale et la religion.

Bande-annonce

25 novembre 2020 (Prime Vidéo) – Prix du public au festival de Deauville 2020

D’Alan Ball, avec Paul Bettany, Sophia Lillis et Peter MacDissi.




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