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LA FEMME DES STEPPES, LE FLIC ET L’ŒUF

Le corps dune femme est retrouvé au milieu de la steppe mongole. Un policier novice est désigné pour monter la garde sur les lieux du crime. Dans cette région sauvage, une jeune bergère, malicieuse et indépendante, vient laider à se protéger du froid et des loups. Le lendemain matin, lenquête suit son cours, la bergère retourne à sa vie libre mais quelque chose aura changé.

CRITIQUE DU FILM

François Truffaut disait en 1959 à propos du format Cinémascope qu’il conférait une « Vision globale du monde avec, à droite, à gauche et en profondeur, toute la terre, toute la mer, tout le ciel. » Définition poétique qui conviendrait parfaitement au choix de mise en scène opéré par Quanan Wang pour La femme des steppes, le flic et l’oeuf. Se déroulant en grande partie en plan large, dans un décor naturel paraissant infini, le cinéaste chinois fait de son paysage mongol figé une scène de théâtre absurde où défilent différents personnages.

La beauté du film ne réside pourtant pas dans sa plastique même, mais dans l’aspect polysensoriel qui naît des actions des protagonistes: écouter un morceau de musique, fumer ou boire dans la diégèse revient à interroger notre propre conception de l’espace filmique face à ce que ces bruits et gestes nous révèlent personnellement. Le plan taille, la nuit, sur la bergère et le policier novice sont par exemple autant un moyen de saisir une première fois l’intime entre les personnages que ressentir un resserrement angoissant du paysage donné, le regard de la caméra devenant objet d’inconfort permanent.

Mais ce paysage, instigateur du drame qui se profile à l’horizon, sert aussi à caractériser la protagoniste du film, une (formidable) comédienne non-professionnelle et réellement bergère, « dinosaure » matriarche de ces lieux et indépendante du récit, au-delà même des paroles et agissements grossiers de ses compères masculins sans foi ni loi. Elle est gardienne de la vie et de la mort dans ce désert à perte de vue. Elle réveille par exemple chez le jeune flic un sentiment d’animalité, flattant ses bas instincts pour l’aider à survivre dans ce champ hostile dépourvu d’indices temporels et peuplé de loups affamés. Les parallèles métaphoriques (un peu lourds toutefois) en fin de film ne manquent pas non plus pour la désigner comme une femme libre et très proche du bestiaire qu’elle élève. Mais en revanche, qui sont vraiment les loups ?

On regrettera cependant l’éloignement soudain de la mise en scène passée quarante-cinq minutes qui donne à cette sphère intime un effet programmatique et évident. Dommage que tout cela prenne le pas sur les interrogations sensibles du plan large et du mixage son unifié de la première partie, déconcertants de beauté et en même temps angoissants. Il reste toutefois un cru formellement intéressant, au ton tragique et absurde, qui mériterait le coup d’œil pour la force matriarcale qui découle progressivement du long-métrage.

BANDE-ANNONCE

19 août 2020 – De Wang Quan’an, avec Dulamjav Enkhtaivan, Aorigeletu, Norovsambuu…




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