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DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE

New Iberia, Louisiane. Le détective Dave Robicheaux est sur les traces d’un tueur en série qui s’attaque à de très jeunes femmes. De retour chez lui après une investigation sur la scène d’un nouveau crime infâme, Dave fait la rencontre d’Elrod Sykes. La grande star hollywoodienne est venue en Louisiane tourner un film, produit avec le soutien de la fine fleur du crime local, Baby Feet Balboni. Elrod raconte à Dave qu’il a vu, gisant dans un marais, le corps décomposé d’un homme noir enchaîné. Cette découverte fait rapidement resurgir des souvenirs du passé de Dave. Mais à mesure que Dave se rapproche du meurtrier, le meurtrier se rapproche de la famille de Dave…

Critique du film

Adapté d’un roman de James Lee Burke, Dans la brume électrique avec les morts confédérés, ce film a été tourné par Bertrand Tavernier en 2009, cinq ans après Holy Lola et un an avant La Princesse de Montpensier. La genèse de ce polar, à la fois classique dans sa forme et son intrigue, mais atypique par certains éléments qui suggèrent une vision pour le moins inexpliquée, voire surnaturelle, a été émaillée par de nombreux conflits opposant le réalisateur français à son producteur américain. Ces dissensions aboutirent à deux versions du film, un pour les Etats-Unis, plus courte, et l’autre pour le territoire français et les autres pays. Aux Etats-Unis, le film ne sortit finalement en salle qu’en Louisiane, état où se déroule le récit, pour n’être proposé sur le territoire que directement en vidéo. La transposition cinématographique intervenant seize ans après la parution du livre de James Lee Burke, certains ajustements ou ajouts ont été faits. Bertrand Tavernier avait d’ailleurs exprimé le fait qu’il lui aurait paru inimaginable de ne pas faire allusion à l’ouragan Katrina qui ravagea la Louisiane en 2005. 

Dans une petite ville de Louisiane, on découvre le corps mutilé d’une prostituée. Il s’agirait à priori de la nouvelle victime d’un tueur en série qui s’en prend à de très jeunes femmes. Dave Robicheaux a une idée concernant le coupable possible de cette succession de crime sordides et doit s’occuper de l’enquête, mais certaines rencontres et une succession d’événements vont également le mettre sur d’autres pistes relatives à un crime dont il fut le témoin trente-cinq ans plus tôt. Un crime raciste et resté impuni.

Dave Robicheaux n’est pas seulement un représentant de la police. C’est aussi un homme avec ses failles et notamment une ancienne addiction à l’alcool. Addiction dont souffre également un acteur que Robicheaux a interpellé à la suite d’un délit routier et qui lui relate des faits étranges, peut-être véridiques, mais peut-être aussi issus d’une imagination qui s’emballe avec les excès éthyliques. Qui sont ces soldats confédérés que semble avoir vu l’acteur alcoolique et que Robicheaux ne va pas tarder à rencontrer ? Après un malaise, on découvre dans le sang du policier des traces de LSD. S’agit-il d’hallucinations ? Ou de rêves ? De passages dans une autre forme de temporalité, une autre dimension. À moins que Robicheaux ne perde la raison. 

dans la brume électrique

Bertrand Tavernier éprouvait une fascination et une grande admiration pour le cinéma américain. On se souvient qu’il fut l’auteur avec Jean-Pierre Coursodon d’une bible pour les cinéphiles : Trente ans de cinéma américain, parue en 1970 et qui sera ensuite rééditée et enrichie. Et puis, il y eut aussi Amis américains, ouvrage pléthorique constitué » d’entretiens avec de grands réalisateurs. Dans la brume électrique, sa première fiction tourné aux Etats-Unis – il y avait co-réalisé un documentaire, Mississippi blues en 1983, avec Robert Parrish – aurait pu souffrir de cette passion pour le cinéma américain et certains attendaient peut-être au tournant le cinéaste lyonnais. L’excès de passion et d’admiration peut parfois rendre maladroit. Mais il n’en est rien avec cette nouvelle réussite artistique. Tommy Lee Jones se montre parfait dans le rôle de cet homme au parcours cabossé et qui garde néanmoins toute son humanité, malgré ses crises de rage et son désarroi face à ce qu’il ne peut expliquer. L’ambiance louisianaise est très bien rendue par la bande son – on trouve même parmi les acteurs d’authentiques musiciens comme Buddy Guy ou Levon Helm – et le film offre des changements de rythme, comme des pauses, qui n’entravent en rien le bon déroulement du récit et viennent au contraire l’enrichir.  

Toute l’humanité chère à Bertrand Tavernier, les valeurs qu’il aimait font l’objet d’allusions, de mentions dans cette œuvre singulière, atypique dans la filmographie de ce cinéaste, cinéphile devant l’éternel. À travers Robicheaux, mais aussi à travers ce général sudiste, il nous est rappelé l’importance cruciale de demeurer fidèle à soi-même, malgré l’effrayant constat que ceux qui nous dirigent ont tout dévoyé, tout trahi. Ceux qui commandent sont souvent corrompus. De ce film noir, mâtiné d’un fantastique qui n’a rien de gratuit, se dégage une vision qui pourrait paraître manichéenne, simpliste, mais qui ne l’est pas. Il y est question de racisme, d’alcoolisme, mais aussi du passé qui refait surface comme une seconde chance de rétablir la justice. Un film magnifique qui prend son temps, qui privilégie l’ambiance et les personnages par rapport à une intrigue, dont la résolution importe peut-être moins que le cheminement des personnages. 


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