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AVATAR

Malgré sa paralysie, Jake Sully, un ancien marine immobilisé dans un fauteuil roulant, est resté un combattant. Il est recruté pour se rendre à des années-lumière de la Terre, sur Pandora, où un puissant groupe industriel exploite un minerai rarissime destiné à résoudre la crise énergétique sur Terre. Parce que l’atmosphère de Pandora est toxique pour les humains, ceux-ci ont créé le Programme Avatar, qui permet à des « pilotes » humains de lier leur esprit à un avatar, un corps biologique commandé à distance, capable de survivre dans cette atmosphère létale. Ces avatars sont des hybrides créés génétiquement en croisant l’ADN humain avec celui des Na’vi, les autochtones de Pandora. Sous sa forme d’avatar, Jake peut de nouveau marcher. On lui confie une mission d’infiltration auprès des Na’vi, devenus un obstacle trop encombrant à l’exploitation du précieux minerai. Mais tout va changer quand Neytiri lui sauve la vie…

CRITIQUE DU FILM

Treize longues années nous séparent de la sortie mondiale d’Avatar en 2009, le premier volet des aventures de Jake et Neytiri sur la planète Pandora. Autant dire une éternité. Si les héros imaginés par James Cameron reviennent enfin dans la suite prévue en salle le 14 décembre prochain sous les mêmes traits et dans un univers fictif qui nous est familier, le film débarquera lui dans un monde complètement différent, qui a vu une pandémie changer les habitudes de consommation des films et inverser le rapport de forces entre studios et plateformes de streaming. La crise sanitaire n’est pas la seule fautive. L’équilibre des forces de l’industrie hollywoodienne avait déjà été bouleversé dans la décennie précédente par la prise de pouvoir de la Walt Disney Company sur l’industrie du divertissement.

En effet, depuis la sortie du premier Avatar en décembre 2009, le « multiverse » à la sauce Marvel s’est imposé comme le mètre étalon du blockbuster hollywoodien. Avec une trentaine de volets au compteur à ce jour, la franchise de super-héros a occupé la place laissée vacante par des films comme celui de Cameron, dont la suite a pris un temps anormalement long pour voir le jour.

TRACTATIONS

La naissance de la franchise Marvel et du projet Avatar s’est jouée à quelques mois près, au centre de tractations financières féroces et complexes qui ont vu le déjà géant Disney faire preuve d’un appétit d’ogre. La première phase du « Marvel Cinematic Universe » (MCU) commence avec la sortie d’Iron Man fin avril 2008, soit quasiment un an et demi avant celle d’Avatar le 18 décembre 2009. Après des années de tractations avec différents studios, c’est la Paramount qui obtient les droits de distribution des films Marvel en septembre 2008. Mais le rachat de Marvel Entertainment par la Walt Disney Company fin 2009 va complètement rebattre les cartes. Marvel fait désormais partie du vaste catalogue du Walt Disney Motion Pictures Group.

Après une décennie marquée par les succès gigantesques des différentes phases du MCU, un autre tremblement de terre a lieu le 20 mars 2019. Un des plus anciens studios et pionnier d’Hollywood, producteur principal d’Avatar, la 20th Century Fox, est racheté par la Walt Disney Company et devient 20th Century Studios. Dans la foulée, le 6 août 2019, après une vague de licenciements pour cause de postes qui font doublon, Walt Disney Studios annonce l’arrêt de la majorité des films en développement de la 20th Century Fox à l’exception d’Avatar 2 et la saga La Planète des singes. 

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Entre-temps, avec le plus gros budget de l’histoire du studio qu’on appelait encore « la Fox », Avatar a été rentabilisé en dix jours. Il fut le cinquième film à dépasser la barre symbolique du milliard de dollars de recettes, et le second film à atteindre les 2 milliards. Il est devenu, après seulement six semaines d’exploitation, le plus gros succès de l’histoire du cinéma, dépassant Titanic, également réalisé par James Cameron (et il l’est toujours, suivi de près par Avengers : Endgame) (1). Après le succès du film, le réalisateur annonce plusieurs suites et dès 2016 déclare qu’il compte en préparer quatre et qu’elles seront tournées simultanément. Finalement, ce sont les parties 2 et 3 qui seront tournées à partir de 2017. Et après de multiples décalages – un premier lié au rachat de la Fox par Disney et un autre dû à la pandémie – la sortie d’Avatar: la voie de l’eau est finalement fixée au 14 décembre 2022 en France, soit deux jours avant la sortie américaine.

Autre changement de taille, plus triste celui-là : le compositeur de la BO d’Avatar, James Horner, est décédé en juin 2015. C’est l’Anglais Simon Franglen qui prendra sa suite. Une décision qui semble logique car ce dernier avait travaillé avec Horner en tant qu’arrangeur de musique électronique sur la BO du premier film et avait co-écrit et co-produit la chanson titre interprétée par Leona Lewis.

Désormais sous la coupe de Disney, la création de Cameron perdra-t-elle de son essence et sera-t-elle diluée dans un maelstrom de bons sentiments ? On a vu les dégâts occasionnés à la saga Star Wars par la firme de Mickey. Réponse le 14 décembre. En attendant, revenons sur l’impact du premier volet et son héritage supposé.

Certains journalistes ont pu gloser sur le fait qu’Avatar a été oublié depuis sa sortie et qu’il n’a pas laissé de trace durable dans l’inconscient collectif et dans la culture populaire. Cela se discute. Le cinéaste lui-même, interrogé à ce sujet lors de la récente conférence de presse du prochain volet, a déclaré : « On verra ça quand les gens iront voir la suite ! »

REVOIR AVATAR EN 2022

Quelle impression Avatar laisse-t-il en le revoyant en 2022 ? Si le film tenait déjà très bien la route en Home Cinema, sa reprise en salle le 21 septembre « dans une version remasterisée inédite rehaussée d’une image 4K et d’un son Dolby Atmos exceptionnel » n’est pas qu’un simple argument publicitaire pour attirer le chaland. Voir le film en Dolby Vision 3D avec un son Dolby Atmos permet de l’apprécier dans les meilleures conditions possibles et de savourer comme il se doit ses innovations visuelles éblouissantes.

Toujours novateur en termes d’effets spéciaux, Cameron avait une nouvelle fois repoussé les limites de la technologie et montré les possibilités surprenantes de la Performance Capture, ainsi que de la 3D, dont il signait ici le meilleur exemple à ce jour. Si cette dernière a bénéficié d’un effet de mode pendant quelques années avant que le soufflé ne retombe (2) – on gardera surtout en mémoire L’Odyssée de Pi (2012) et Gravity (2013) –  la capture de mouvement, elle, n’a cessé de se développer. Dérivée de la Motion Capture, elle permet à des acteurs de prêter leurs mouvements corporels et faciaux à des personnages en images de synthèse et avait déjà donné toute leur expressivité à Gollum dans la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, et à César dans les nouveaux volets de La Planète des singes (dans les deux cas par l’entremise d’Andy Serkis). Depuis ses débuts dans Le Pôle express de Robert Zemeckis en 2004, cette technologie n’a cessé d’évoluer et Cameron, pour qui rien n’est plus excitant que relever un défi qui semble impossible, a passé beaucoup de temps avec ses équipes à l’adapter à un tournage sous l’eau nécessaire à l’histoire du prochain Avatar. Le résultat promet d’être surprenant.

Avatar

Voilà pour la forme. Sur le fond maintenant, on connaît l’investissement du réalisateur à titre personnel dans la lutte pour la préservation des écosystèmes et la défense des populations indigènes, notamment celle du Chef Raoni en Amazonie. Les dégâts causés à la forêt vierge par l’expansion des activités minières, forestières et agricoles en Amérique du Sud sont au centre du scénario d’Avatar sur un plan métaphorique. La maison des Na’vis, cet arbre gigantesque connecté à l’ensemble des êtres vivants, abattu par les hommes, est le symbole de la destruction de la nature pour des raisons bassement économiques. Si le film paraît toujours aussi pertinent sur sa portée écologique, il se démarquait déjà à l’époque pour la diversité de sa distribution et son protagoniste principal en situation de handicap, un choix assez rare à Hollywood.

Avatar se distingue aussi par ses thèmes profondément écologiques et spirituels, la nature étant envisagée comme une entité vivante et non comme une simple pourvoyeuse de denrées.

NAÏVETÉ ?

Au rayon des faiblesses, on pourrait citer un personnage quelque peu caricatural, celui du Colonel Miles Quaritch interprété par Stephen Lang, ainsi qu’un manque de nuance dans le propos accusateur du réalisateur, qui pourrait selon le point de vue être interprété comme une forme de naïveté. Ou peut-être aussi comme une force. Notons que la version « édition spéciale » sortie en 2010 approfondit le personnage du colonel et montre le lien affectif qu’il a noué avec Jake. Parmi d’autres, une scène additionnelle se déroule sur Terre au tout début du film pour étoffer le personnage du Marine paralysé.

Outre les diverses accusations de plagiat, Avatar a prêté le flanc à sa sortie à de nombreuses critiques l’accusant soit de faire l’apologie du white savior narrative, soit d’être anti-américain, ce qui n’a pas empêché le public US d’applaudir un film qui voit la défaite de leur pays (3).

Il est certain que pour rencontrer un tel succès, le film a dû toucher une corde sensible. Sa scène de destruction massive faisait un écho direct et troublant aux attentats du 11 septembre 2001 et en proposait une forme de catharsis. Avec son message universel – même si certains pensent qu’il est martelé de façon grossière – ses thèmes qui résonnent encore plus fort aujourd’hui qu’en 2009, le propos d’Avatar semble plus que jamais d’actualité, alors que le changement climatique s’accélère et qu’une pandémie et une guerre ont déréglé notre économie néolibérale, intrinsèquement créatrice d’inégalités et destructrice de l’écosystème.

Au fond, Cameron délivrait avec Avatar un message d’espoir. « L’homme doit se diriger vers une sorte de peuple techno-indigène. On utilisera la technologie pour obtenir toute l’énergie dont nous avons besoin, mais ce seront des solutions durables », clame-t-il dans les bonus du Blu-Ray.

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Au final, le nouveau film de Cameron arrive dans un contexte particulier : une industrie cinématographique fragilisée et dont les gros budgets ont migré en bonne partie vers les franchises et le petit écran (cf. la guerre entre Le Seigneur des anneaux – Les Anneaux de pouvoir et le prequel de Game of Thrones – House of the dragon). Inutile de préciser que le succès en salle de La voie de l’eau sera scruté par les analystes du secteur et qu’il déterminera, dans un sens comme dans l’autre, l’avenir du cinéma à grand spectacle en salle, et l’avenir de la saga Avatar qui prévoit un film tous les deux ans jusqu’en 2028.

En attendant, si vous n’avez jamais vu Avatar au cinéma, sa ressortie en salle en 4K est une occasion en or à ne pas rater !


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(1) sauf en prenant en compte l’inflation qui positionne Autant en emporte le vent en première place.
(2) Cameron croit encore à la 3D : « La 3D, ça a semblé être passé de mode pour beaucoup de gens, mais ce n’est pas fini, vraiment pas. Ça a au contraire été accepté. Maintenant, ça fait partie des choix quand vous allez au cinéma pour voir un blockbuster. »
(3) « Si vous avez une salle bondée du Kentucky qui se lève pour applaudir la défaite de leur pays en guerre, c’est que vous avez de très bons effets spéciaux », a dit un critique américain.



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