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ANNÉES 20

Quelques heures à Paris, un soir d’été en 2020. La caméra suit un passant puis l’autre, voyageant à travers les rues de la ville et multipliant de curieuses rencontres : jeunes excentriques, personnages originaux et anticonformistes. Au cours d’un seul plan ininterrompu, la caméra lie les personnages à travers un même territoire, et une même époque en crise que chacun traverse et questionne à sa manière.

Critique du film

Depuis Ernest Hemingway, la balade parisienne aura investi de nombreux imaginaires. Laissant planer derrière elle un parfum de fantasme, doublé de l’air de ce « Je-Ne-Sais-Quoi » que le monde entier semble envier à la Ville Lumière, son charme fleurant bon la poésie s’estompe cependant sitôt que l’on rappelle au rêveur qu' »une oeuvre de l’imagination jette quelque lueur sur ce qui a été rapporté comme un fait ».

Seconde proposition de la réalisatrice Elisabeth Vogler après Paris est à nous, Années 20 est présenté sur une idée « un peu folle » : la mise en image du pouvoir réservé au spectateur d’écouter les discussions des passants arpentant les rues de la capitale par un beau soir d’été, au sortir du premier confinement. Tournée en un seul plan-séquence avec plus de vingt-quatre acteur.ices formant des petits duos le long d’un trajet de six kilomètres, cette promenade entre onirisme et décalage prend parfois des airs de numéro d’équilibriste – comme suspendu au fil de la frontière tenue entre élans de candeur et inquiétants vertiges.

UN PIED SUR LA (DÉ)RIVE DROITE…

Tirant son inspiration du film Slacker réalisé par Richard Linklater – auquel on doit les merveilleux Before Sunrise, Before Sunset et Before MidnightAnnées 20 lui emprunte sans détours l’idée d’une caméra passant d’un duo de personnages à un autre avec une fluidité troublante, presque irréelle, à la manière d’une douce brise chassant les feuilles d’automne.

Sans jamais donner de tournis au spectateur, les scènes s’enchainent non seulement grâce à l’absence de brutalité liée aux plans de coupe, mais également grâce à un même fil conducteur thématique. Alors que la jeunesse parisienne, habituée à ses bords de Seine et ses terrasses ensoleillées, retrouve la chaleur de ses rues animées après plusieurs mois d’hibernation forcée, elle exprime, par le biais des mots du quotidien, son plaisir de la liberté retrouvée.

Années 20

Qu’il s’agisse de Mehdi annonçant à son ami David sa décision de démissionner, du comique Edouard expliquant à son producteur François qu’il souhaite devenir danseur, ou encore de Mat cherchant à convaincre son cousin Gary de s’installer à Belleville, chacun de ces duos illustre dans son discours une folle envie de vivre maintenant et pleinement.

Si certains duos, en particulier celui formé par les personnages de Blanche et Ambre, fonctionnent tant par l’écriture des dialogues que par le jeu des actrices – et en particulier Aurore Déon, dont la justesse d’interprétation est à souligner – d’autres paires pèchent par des situations peu réalistes, couplées à des conversations qui peinent à créer l’osmose parfaite.

A supposer qu’il s’agissait pour Elisabeth Vogler et ses scénaristes Joris Avodo, François Mark et Noémie Schmidt, d’explorer ce que la vie a de plus imprévu, jusque dans les mots qui nous poussent au bord des lèvres par excès de fièvre, certains bouts de chemins suivis le long de ce grand boulevard d’émotions manquent de fraicheur et de délicatesse pour laisser le sentiment d’une oeuvre totalement aboutie.

Concluant son périple sur les hauteurs des Buttes Chaumont, et par la révélation explicite du mystère entourant son titre, Années 20 s’aimera ou non à l’image de ces années dites « folles », célébrées par les amoureux de cette période si intense en activité sociale : un peu comme un songe, beaucoup comme une chimère et passionnément comme une extravagance.

Bande-annonce

27 avril 2022 – De Elisabeth Vogler




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