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SALT AND FIRE

6
Assez bon

Une scientifique accuse le responsable d’une grande entreprise d’avoir provoqué un désastre écologique dans le désert de Bolivie. Tourné dans le désert de sel d’Uyuni, le nouveau film de Werner Herzog est un thriller écologique, inspiré d’une nouvelle de Tom Bissell.

Père Werner, raconte-nous une histoire.

Après deux documentaires sortis plus tôt cette année (Lo and Behold, Reveries of the Connected World et le très beau Into the Inferno sur Netflix), Werner Herzog revient parfaire le calendrier de l’avent des plus gourmands d’entre nous, mais cette fois-ci avec une fiction. S’il avait bien réalisé l’année passée Queen of the Desert, ce film n’était jamais sorti en France ; il faut remonter à 2009 pour trouver trace d’une fiction du Munichois dans une salle française, avec Dans l’œil d’un tueur. Une longue attente qui tranche avec l’activité du bonhomme, toujours prompt à commenter tout et n’importe quoi, s’attachant perpétuellement à filmer notre monde sous toutes ses séquences.

Werner Herzog a une patte. En soi, l’Allemand ressemble un peu à Alejandro Jodorowski : chaque film s’inscrit dans un style unique et rapidement reconnaissable. Une caméra baladeuse, une nature en symbiose avec les hommes et les femmes, un certain romantisme dans la mise en scène et la narration, le goût pour les histoires extraordinaires… Si Herzog ne contourne plus (et heureusement) les règles de sécurité les plus élémentaires pendant ses tournages, il garde indéniablement cette patte et n’en dévie pas. Ce qui est à la fois une qualité et un défaut dans le cas de Salt and Fire.

Une qualité, car elle donne au film un vrai intérêt. La mise en scène d’Herzog est toujours aussi belle, toujours aussi joueuse sur les perspectives (la fin le résume bien), la photographie est de qualité – quoiqu’un peu terne par moment, notamment en intérieur. Le cinéaste a le chic pour trouver des paysages magnifiques. Le propos écologique du film est également très intéressant, notamment dans la culpabilité de Matt Riley (bien joué par Michael Shannon) et dans la rapacité de certains scientifiques, plus intéressés par l’argent que par les faits. 

À côté de ces points positifs, Salt and Fire n’est pas exempt de tout reproche, notamment dans l’écriture de ses personnages. Si Matt Riley a une psychè intéressante, ses actions sont assez erratiques et peu sensées tout au long du film, comme si Herzog se fichait finalement du destin de son personnage ou avait changé d’avis en plein tournage. Le cas de Laura Sommerfeld (Veronica Ferres) est aussi problématique : quel intérêt à lui faire subir des événements traumatisants (enlèvement, séquestration, abandon) alors qu’elle partage les mêmes causes que Riley, à savoir la volonté de dénoncer cette catastrophe écologique bolivienne ? Un parti pris assez injuste pour le personnage qui empêche d’avoir une réelle affection pour elle et encore moins pour Riley (encore plus avec cette fin qui tombe comme un cheveu sur la soupe).

Il aurait plus judicieux de faire subir cela à Gael Garcia Bernal qui joue le véreux du groupe de scientifiques. Si la volonté d’Herzog est de montrer la réalité du terrain à cette femme, il y avait d’autres moyens de le faire. Quant à la séquence du désert, point central du film censée rapprocher Sommerfeld de la nature en plus de mieux se connaître elle-même, elle manque de magie pour vraiment changer la donne sur son personnage et donner un coup de peps au film qui patine au niveau de son rythme. On a le sentiment qu’Herzog ne s’intéresse pas vraiment à ces personnages fictionnels comme cela avait pu être le cas dans Aguirre ou Fitzcarraldo. Ils ne sont que des outils au service d’un propos écologique et de la nature. C’est une façon de faire qui a son intérêt, mais qui peut aussi, malheureusement, laisser en partie sur le bord de la route.

Avec son dernier bébé, Werner Herzog livre une œuvre inégale mais pas dénuée d’intérêt si, pour vous, le plus important est la mise en scène de la nature avec des personnages en retrait. Pour les autres, Salt and Fire frustrera par son rythme parfois trop lent et son écriture imparfaite. Heureusement, il reste l’excellent Into the Inferno pour ne pas quitter Werner sur une note trop mitigée.

La fiche

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SALT AND FIRE
Réalisé par Werner Herzog
Avec Michael Shannon, Gael García Bernal, Veronica Ferres… 
Etats-Unis, France, Allemagne – Thriller

Sortie en salle : 7 décembre 2016
Durée : 93 min 




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