MR TURNER
Les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer.
Portrait impressionniste.
Le biopic est un art difficile, peut-être le genre le plus complexe du cinéma. Combien de réalisateurs se sont pris les pieds dans le tapis en livrant des films ressemblant à des articles de Wikipédia transposés à l’écran ? La bonne nouvelle c’est que Mr Turner fait partie du cercle restreint des biopics réussis. Mike Leigh est parvenu à contourner très habilement les pièges du genre en livrant un portait contemplatif de JMW Turner, peintre britannique majeur du XIXe siècle.
Le scénariste/réalisateur s’est concentré sur les vingt-cinq dernières années de la vie de l’artiste, qu’il a choisi de faire défiler à l’écran sans cartons chronologiques, mais par de sublimes transitions, montrant souvent juste le peintre marcher dans la nature en quête d’inspiration. Ce choix, un peu déroutant au début, donne une fluidité impressionnante à l’ensemble. D’autant que Mike Leigh ne cherche jamais à ne relater que les faits majeurs de la vie du peintre, mais bien à les intégrer avec finesse dans la narration de son quotidien. S’il faut au départ s’habituer à ce rythme lent, à cette narration très contemplative, elle n’en est que plus efficace pour nous permettre de pénétrer l’univers du peintre et appréhender qui il était et sa façon de voir le monde. Ainsi derrière le personnage antipathique, bougon taciturne, qu’il nous est donné à voir au début du film, on apprend petit à petit à déceler le génie dicté par ses émotions, et qui ne vit que par et pour son art. Mike Leigh effeuille progressivement l’âme de l’artiste, en livre une à une les failles, les forces, les fragilités, les craintes et surtout la grandeur.
Mais un tel mode narratif impose nécessairement que le réalisateur ait une confiance aveugle en son acteur principal, car c’est en grande partie sur ses épaules que reposera le film. Car si la caméra sait capter, c’est bien l’acteur qui doit livrer les émotions. Et si le palmarès du dernier Festival de Cannes est sur certains points discutable, le prix remis à Timothy Spall est par contre lui incontestable. L’acteur livre une prestation époustouflante, faite de nuances incroyables, et ne sombrant jamais dans la caricature que certains auraient eu bien du mal à éviter. Son JMW Turner n’est que fêlures et émotions à fleur de peau.
Outre ce portrait intimiste et volontairement subjectif, Mr Turner se révèle être également une très intéressante représentation de la carrière du peintre (d’abord adulé, puis moqué, dès lors que ses peintures se sont éloignées du consensus de l’époque pour flirter avec l’impressionnisme avant l’heure) mais également du Londres artistique de l’époque, et notamment de la Royal Academy. Mike Leigh a aussi eu la très bonne idée, pour soutenir le portrait du peintre, de lui adjoindre deux magnifiques seconds rôles féminins, impeccablement écrits et très subtilement interprétés par Marion Bailey et Dorothy Atkinson. Enfin, on saluera bien évidemment l’excellent travail opéré par le directeur artistique, Dan Taylor, magnifié par la sublime lumière de Dick Pope, directeur photo attitré de Mike Leigh. Certains plans sont d’une beauté bluffante, au point de parfois se confondre avec des toiles de maître.
Si Mr Turner n’est pas exempt de quelques défauts (mise en place un peu longue, une ou deux séquences loupées, quelques points qui auraient mérité d’être approfondis) et si son rythme pourra en rebuter plus d’un, Mike Leigh livre dans l’ensemble un biopic très maitrisé, aussi passionnant qu’enivrant.
La fiche
MR TURNER
Réalisé par Mike Leigh
Avec Timothy Spall, Paul Jesson, Dorothy Atkinson…
Grande-Bretagne – Biopic, Drame
Sortie en salle : 3 Décembre 2014
Durée : 150 min
Oui, c’est sûr, c’est maîtrisé. Un peu trop ? Pour une analyse complète: http://marlasmovies.blogspot.fr/2014/11/mr-turner-mike-leigh-de-lombre-la.html
M. Leigh à certainement filmé une légende plutôt que la réalité mais le moindre accessoire de son film, la moindre expression semble apporter la vérité de l’époque qu’il d’écrit.
L’art, la science, le progrès, les comportements…, quasiment en mode live (ah la galerie de tableau de l’académie des arts), brassés dans un film picturalement magnifique, sujet oblige, et pleinement réussi au delà de la simple image.
Bien plus profond qu’un simple biopic d’un personnage qu’il égratigne et admire, plutôt étude de mœurs de la société géorgienne (qui pratiquait déjà le bashing soit-dit en passant), dans laquelle il nous plonge de manière séduisante, fortement instructive et sans aucun académisme.
Pas près d’oublier non plus les bougonnements perpétuels que lui prête le formidable T. Spall accompagné du reste du casting.
Le film de la semaine.
Jolie critique ! Je n’ai malheureusement pas été autant emballée que vous. C’est une belle adaptation, on y « croit ». Notamment grâce à la performance de Timothy Spall qui donne vraiment corps à ce personnage atypique, subtil, taciturne et de plus en plus attachant. De belles images, une belle photographie. Mais j’ai été surprise et déçue de ne pas en voir plus sur la peinture elle-même, sur l’inspiration du peintre ! Et je dirais que le film peine à retenir l’attention sur 2h30, je dois dire que j’ai tout de même senti le temps passer, ce qui n’est pas bon signe…
Je peux comprendre ce sentiment, le rythme du film est très lent, et moi-même au départ j’ai senti le temps passé. Mais finalement, je me suis laissé porter. Ce rythme est nécessaire pour que Leigh dépeigne le peintre dans son quotidien et nous permette de l’appréhender, ainsi que sa façon de voir le monde. Et si c’est vrai que l’on voit finalement peu le maître à l’œuvre, je trouve que le film dévoile bien ses inspirations et son rapport à l’art, même si c’est distillé par touches sur 2h30 😉
Je ne peux qu’être d’accord 😉
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