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mother! | Le film polémique d’Aronofsky divise

Dire que mother! a divisé la rédaction serait un euphémisme. Pendant que certains s’enchantent d’avoir été malmenés par un cinéaste jusqu’au boutiste, d’autres s’insurgent devant la frappante grossièreté de l’entreprise. Et puisque le film nécessite une digestion plus longue que d’autres oeuvres, nous avons décidé de permettre à chaque rédacteur ayant tenté l’expérience de livrer son ressenti. 

mother! , un durable objet de fascination

Mother! met le spectateur à l’épreuve. Rares sont les films, d’autant plus à l’heure actuelle et avec un casting de stars, qui proposent une expérience aussi radicale, dont on ressort lessivé, essoré, les pensées chancelantes sous le crâne. Le parti-pris jusqu’au boutiste de la dernière demi-heure ne peut que diviser. Parce qu’une telle audace à foncer tête baissée dans l’excès n’a rien pour faire l’unanimité. Il y a ceux qui trouveront cela « ridicule » ou « pompeux » et les autres – dont je fais partie. Mais majorité des observateurs ne pourront que saluer le fait qu’en 2017 une telle expérience puisse être vécue en salle. mother! peut se lire à de multiples niveaux et degrés. On peut y voir une simple histoire barrée de couple dont l’épouse est délaissée par un mari narcissique (aussi le message est davantage misandre que misogyne, contrairement à ce que l’on peut entendre ci ou là). Ou alors une allégorie de la création, le personnage féminin incarnant l’inspiration qui se débat dans la tête (la maison) de l’écrivain angoissé par la page blanche et qui, une fois les idées (a)couchées sur le papier, se détourne de sa muse pour se gargariser des élans d’admiration de ses lecteurs. Mother! serait alors un film-cerveau. A moins qu’Aronofsky n’ait voulu nous raconter la violation de l’intimité à la manière d’un film d’horreur. Ou alors… de multiples autres pistes sont possibles et ne manqueront pas d’être approfondies, validées ou démenties dans les années à venir. Mother!, n’est pas prêt de cesser d’être un objet de fascination (et de répulsion) portant haut son point d’exclamation. ★★★ – Fabien R. 

Un tourbillon étourdissant !

Depuis le début de sa carrière, Darren Aronofsky divise les spectateurs. Tandis que certains lui reprochent une esthétique et une mise en scène tape-à-l’œil, d’autres saluent précisément la radicalité de son cinéma pour les mêmes raisons. Dès lors, quand d’identiques ingrédients se transforment en qualités ou en défauts suivant la perception de chacun, le débat finit par s’envenimer entre aficionados et détracteurs. De toute évidence, mother! ne sera pas l’œuvre de la réconciliation. Loin de là. A contrario, le film ressemble au furieux concentré d’un univers à son apogée, assumant excès et idées baroques avec une farouche obstination. Vite abandonnés, les rails basiques d’un « home invasion » rebattu s’effacent au profit d’une expérience sensorielle aussi éreintante que passionnante dans la psyché tourmentée d’un cinéaste. Darren Aronofsky ne cède jamais devant l’obstacle : il fonce plutôt tête baissée dans une escalade inoubliable entraînant le spectateur dans un tourbillon étourdissant sans nul doute inédit en salles. Chacun pourra admirer ou abhorrer la multiplicité des grilles de lecture mais surtout s’étonner face à la richesse thématique du long-métrage. Apocalypse, destruction de la Terre par l’être humain, névroses obsessionnelles du créateur, narcissisme, fanatisme … Darren Aronofsky inonde la pellicule de questionnements et de pistes laissés à la libre appréciation du public. Écrit en seulement cinq jours, mother! veut tout brasser, tout dévorer sur son passage en s’incrustant durablement dans les mémoires. Sans calcul, sans réécriture policée, le film est brut, sec, profondément insolent et dévastateur. Comme le cri de rage, en forme de geste créatif ultime, d’un artiste torturé par ses démons. ★★★ – Céline B.  

Le temps n’est pas l’allié du film

À l’heure où l’opinion critique doit être réfléchie, pliée, pesée et emballée en 24 heures top chrono sous peine d’être noyée par une horde d’aimables concurrents plus libres de leur temps et plus gratteurs que vous, mother! ressuscite cet aimable goût de l’avis fluide, prompt à l’écoulement des doutes, des remises en questions et des changements de résolutions. C’est donc avec peine que cette réflexion d’un autre temps, celle du temps de la réflexion, s’écoule dans le sens inverse des aiguilles de la satisfaction. La polymérisation entre le propos d’Aronofsky et son support a l’effet d’une carte piège sur quiconque pose les yeux sur ce duel fantastique. Avec son symbolisme permanent et son souffle anxiogène continu, difficile de ne pas être happé par le film, ses plans rapprochés épidermiques et ses changements cauchemardesques de dimensions et de gravité. On n’a plus d’autre choix que de fixer dans les yeux le monstre difforme d’Aronofsky. Un petit exploit à l’heure de la notification permanente et du multi-tasking tentaculaire. Là où le bat blesse, c’est que le niveau de préméditation de mother! tient plus de l’ordre du m’as-tu-vu que de la tacite invitation. Le temps n’est pas l’allié du film, pour la simple et bonne raison qu’il lui est difficile de se trouver une existence hors de lui-même : la réflexion incestueuse entre l’art et sa forme est si imbue et pédante qu’elle tombe en ruines dès lors qu’on quitte ce cercle infernal, tempête aboyante mais finalement sous un seul crâne. Celui d’un Darren Aronofsky qu’on entendrait presque, en fond de chaque plan, se congratuler de son génie. Sensation irritante d’un élève doué, persuadé que ses connaissances personnelles suffiront à lui décrocher la mention très bien, mais dont les tournures de phrase pompeuses masquent finalement assez mal un propos convenu. À l’image de l’oeuvre-nourrisson que le monde écharpe par cupidité, ce sont davantage les figures métaphoriques qui sont usées jusqu’à la moelle plutôt que le propos en lui-même. Il n’y a pas vraiment de surprise à voir un film sur la frénésie de l’art provoquer la frénésie chez ceux qui le voient. Il y en a davantage à voir un propos quasi-pubère sortir de l’esprit d’un homme dont on attendait l’oeuvre majeure – Robin S.  

Un trip hystéro-horrifique

Darren Aronofsky est un réalisateur sans concession dont chaque nouveau film peut autant entraîner une adhésion sans limite qu’un rejet total. Mother! n’échappe pas à la règle. Dans sa mise en scène déjà, caméra à l’épaule, multiplication des plans serrés, ambiance sonore déroutante… La débauche d’effets pourra en rebuter certains, mais il faut reconnaître que l’atmosphère de Mother! prend aux tripes. La performance plus qu’incarnée de Jennifer Lawrence y est également pour beaucoup. Mais là où le film trouve surtout ces limites c’est sur le fond, ce trip hystéro-horrifique se révélant avant tout être une auto-psychanalyse du réalisateur quant à son rapport à la vie de couple et à la famille d’un côté, et à la création artistique et la célébrité de l’autre. Des sujets qui tiennent a priori plus de l’intime que d’une métaphore outrancière flirtant avec les limites du grossier. A l’image de sa référence mal digérée à Rosemary’s Baby, boostée à la puissance mille jusqu’à l’overdose, Mother! n’est en l’état que l’illusion d’un film manqué qui aurait pu être bien meilleur si Aronofsky avait su l’aborder avec plus de retenue et de subtilité.  – Fabien G.

Toujours plus !

Pensé en deux semaines et écrit en seulement cinq jours, mother! résume les excès d’un cinéaste sans garde fou. Si l’on ne pourra que saluer l’existence et l’exploitation d’oeuvres aussi radicales à une proportion internationale (facilitée par le casting bankable), on sera en revanche bien plus sceptiques – voire passablement agacés – face à la pénible expérience que demeure le visionnage de mother! en salle. Éprouvant dans sa surenchère, insuffisamment écrit, le dernier bébé d’Aronofsky s’égosille jusqu’à épuisement et brasse à tout va de nombreuses thématiques pour tenter de se donner une âme. Malheureusement, mother! échoue à proposer autre chose qu’une performance « modern art », repoussant sans cesse les limites du « toujours plus ! ». Tout fier de lui, Aronofsky se réjouit que l’on parle de son film pour tenter d’expliquer ce que lui-même n’a pas vraiment pensé en profondeur. Grand esbroufeur devant l’Éternel, l’ancien plagiaire est devenu enfumeur à échelle mondiale.  – Thomas P. 

Tu l’as vu mon gros symbole ?

Voici donc la nouvelle fournée sortie tout droit de l’égo surdimensionné de Darren Aronofsky : le bien nommé Mother !. Un point d’exclamation qui a son importance, tant il symbolise à lui seul l’approche du cinéaste ; parce que le style d’Aronofsky, déjà pas le plus subtil du monde, est ici à son sommet de lourdeur : chaque plan est un symbole asséné à la masse aux spectateurs, qui se retrouvent face à un produit grotesque, tape à l’œil, artificiellement hystérique auquel il est impossible de s’attacher et qui, surtout, donne le sentiment que le cinéaste nous prend pour des idiots. Mother ! est typiquement ce genre de films qui hurle en permanence « Tu l’as vu mon gros symbole ? » mais qui oublie de raconter quoique ce soit d’intéressant, Aronofsky étant trop occupé à remuer sa caméra à trois centimètres des narines de sa chérie Jennifer Lawrence (très bonne au demeurant) et à pousser le volume à fond pour n’importe quel prétexte (une porte qui se ferme = 250 décibels minimum). Aronofsky se prend pour le nouveau Polanski, mais il serait peut-être temps que ses pieds rejoignent la terre ferme.  – Florent D. 




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