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JOSE MIGUEL RIBEIRO | Interview

A l’occasion de la sortie de son très beau film Nayola, José Miguel Ribeiro a accepté de nous accorder un entretien. Echanges sur les coulisses de la naissance de son premier long-métrage, de son évolution progressive tout au long du processus créatif, ainsi que des thématiques fondamentales dont il traite.

Vous êtes un réalisateur portugais et vous avez réalisé un film sur la guerre civile qui s’est déroulée en Angola. Comment avez-vous approché un tel sujet ?

José Miguel Ribeiro : J’ai passé beaucoup de temps à lire, à me renseigner sur la culture de l’Angola et son histoire aussi. Comme il s’agit d’un pays qui a été une colonie portugaise pendant quatre siècles, qui a connu une importante guerre d’indépendance et une guerre civile encore plus lourde. C’était important pour moi d’être juste, de ne pas tomber dans la caricature. Ce travail de recherche s’est déroulé pendant six ans, sur les neuf qu’a pris Nayola pour être réalisé.

Votre rapport à la culture angolaise a également évolué après la rencontre avec les acteurs qui prêtent leur voix aux personnages du film ?

En effet. Les interprètes sont tous angolais, et l’enregistrement s’est déroulé entièrement à Luanda, la capitale du pays. Ça a été un moment clé dans la production du long-métrage : nous avions, le scénariste et moi, déjà un scénario prêt, et j’avais même préparé un début de maquette visuelle pour me représenter à quoi ressemblerait le résultat final. Mais pour la première fois dans mon travail, j’ai senti que le scénario a commencé à bouger avec les acteurs. L’adaptation du texte, en général, cela se fait rapidement après quelques lectures du texte, on change un mot ou un détail, dans l’après-midi c’est réglé. Mais pour ce projet, j’ai beaucoup échangé avec les interprètes sur nos expériences respectives de la guerre et j’ai découvert une richesse qui m’a beaucoup plu, car je sentais que j’avais besoin d’une authenticité qui n’était pas tout à fait dans la première version du scénario.

Au fil des discussions avec eux, des scènes ont disparu, d’autres ont été gonflées. La rencontre de Nayola avec l’homme qui peut potentiellement la renseigner sur la disparition de son mari durait à l’origine une demi-minute, il lui disait simplement ce qu’il savait et c’était tout. En repartant vers le Portugal après l’enregistrement, elle faisait trois minutes : sur la suggestion des acteurs, les personnages nouent une relation un peu plus intime qui était effectivement intéressante à développer. Mais l’authenticité que j’étais venu chercher en Angola tenait aussi parfois du profil même des interprètes : Feliciana Délcia Guia par exemple, qui tient le rôle de Yara, est une véritable rappeuse qui écrit sa musique sous le nom de scène Meduza. Je l’ai repérée sur YouTube, dans une vidéo de battle d’improvisation que j’ai trouvé très forte, son énergie correspondait à celle de Yara. Je l’ai contactée et elle a accepté de jouer dans mon film bien qu’elle n’ait pas fait de théâtre ou de cinéma auparavant.

L’histoire de Nayola est à l’origine une pièce de théâtre de José Eduardo Agualusa et Mia Couto, nommée A Caixa Preta. Vous dites que le scénario de votre long-métrage a évolué avec les acteurs, est-ce que l’œuvre adaptée était simplement une base pour votre travail, ou bien avez-vous essayé de rejoindre, malgré les changements, l’ambiance, l’esprit de la pièce ?

À l’origine, c’est un ami qui m’a proposé d’adapter cette pièce au cinéma. Nous avions en tête une coréalisation, qui mélangerait prise de vues réelles et animation : mon ami devait s’occuper de la partie « présent » du film, qui correspond au texte d’Agualusa et Couto, tandis que je devais mettre en scène la partie « passé », centrée sur le personnage de Nayola et totalement inventée. Ça n’a pas abouti, car il y avait finalement une trop grande déconnexion entre les deux temporalités du récit. Mais le projet d’adapter cette histoire est resté. Après la première rencontre avec les interprètes à Luanda, j’ai relu la pièce et j’ai constaté qu’il y avait des éléments que j’avais manqué, qui ne m’avaient pas paru si importants lors de la première lecture et qui n’étaient pas dans mon scénario. Il me manquait peut-être un certain recul, et j’ai décidé d’en réintégrer certaines choses dans mon film.

Le scénario a donc beaucoup changé, mais il me semble que, dans l’ensemble, il n’est pas trop loin de l’esprit de la pièce. Les principales différences dont plutôt dans les nuances supplémentaires qu’on a essayé d’insuffler dans les personnages, dans leurs émotions. Dans la pièce par exemple, Yara est une jeune femme qui se cherche, qui veut savoir ce qui est arrivé à sa mère lors de la guerre et qui en même temps a peur que la vérité soit trop difficile à porter. C’est également le cas dans le film, mais on a plutôt cherché à valoriser l’idée de partage qui émerge lors de sa rencontre avec l’inconnu masqué qui pénètre par effraction dans sa maison, pour montrer l’ambiguïté de la relation qu’ils nouent. De même, la pièce se termine brutalement par la sortie de l’un des personnages de la scène, puis un coup de feu. J’ai préféré rajouter avant la conclusion les scènes de voyage intérieur, de la traversée du désert et du rituel, non seulement pour donner une autre dimension au récit, mais aussi pour introduire un contrepoint optimiste qui est plus personnel.

C’était important pour moi d’être juste, de ne pas tomber dans la caricature.

L’idée première de distinguer les scènes du passé des scènes du présent est toutefois restée : les premières sont réalisées en animation traditionnelle, tandis que les autres sont en « 3D », comme le dit le générique de fin…

J’ai finalement opté pour un recours à deux techniques d’animation différentes pour deux raisons. La première est que le récit de Nayola peut être complexe pour une partie des spectateurs, avec ses allers-retours réguliers entre passé et présent, même si les dates des deux époques sont données au début. L’utilisation alternée de la 2D et la 3D permet de structurer le film et aide le spectateur à se repérer. La seconde raison de ce choix est l’ensemble des possibilités de représentation auquel il donne accès, et qui permet d’ajuster le discours visuel en fonction de l’enjeu des séquences. Le présent comporte peu de décors, il est davantage focalisé sur les personnages, la tension entre eux. Le passé au contraire est centré sur le voyage, il met en scène plus de décors, plus de choses nouvelles, plus de mouvement, en accord avec la vitesse avec laquelle se produit la guerre.

Le dessin animé permet de déformer la réalité, changer les perspectives, et j’ai travaillé cela en ayant quelques influences fondamentales en tête. L’expressionnisme allemand, bien sûr, et le peintre mozambicain Malangatana pour les couleurs, ainsi que la peinture impressionniste pour certains paysages. L’important pour moi était de mettre ces influences au service du film, afin de mettre face à face l’horreur de la guerre et la beauté du pays. Nayola est moins européen qu’africain en ce sens : en Europe on a une vision très cartésienne des choses, on cherche toujours à comprendre parfaitement ce qui est dit, en appliquant une certaine logique, tandis qu’en Afrique on conçoit beaucoup plus facilement la coexistence de choses, d’états, de discours qui ne se touchent pas, qui peuvent même être franchement paradoxaux ou opposés, sans que cela puisse gêner.

Vous développez une ambiance un peu mystique au cours du film, avec des images mentales qui entrecoupent l’action, mais aussi avec la récurrence du masque, qui est autant un objet de la fiction, porté par l’intrus qui s’introduit dans la maison, qu’un élément esthétique récurrent, qu’on retrouve dans les traits du visage de Yara. Comment vous pensez cette présence dans votre œuvre ?

Le masque m’intéresse pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est un élément très important de la culture traditionnelle africaine, et son caractère minimal est très parlant : avec des traits très simples, il permettent d’incarner des émotions très fortes, à tel point qu’il est parfois difficile de les regarder. De plus, la manière dont il sont taillés, avec des traits plus ou moins incurvés selon les modèles, permet de renvoyer la lumière différemment en fonction des angles de vue, ce qui rejoint certaines spécificités de l’animation 3D que j’avais envie d’explorer. En ce qui concerne sa présence dans le récit, je dois signaler que le masque était déjà présent dans la pièce de théâtre, et discuté : l’un des personnage met en avant le fait qu’en porter un, c’est à la fois se montrer et se cacher. Et les protagonistes féminins de Nayola sont exactement dans cette situation : la grand-mère vit avec sa petite fille mais ne lui raconte pas ce qui est arrivé à sa mère.

Le film a également comme sujet le non-dit, qui oscille entre ce que tu ne dois pas et ce que tu ne veux dire et montrer de toi. Mais si on se rapproche d’une philosophie propre au continent africain, on peut trouver d’autres manière d’interpréter la présence de cet artefact, puisque le masque est aussi un objet de rituel et de communication avec ceux qui sont déjà partis. Et, pris sous cet angle, l’irruption du personnage masqué dans la maison est plus étrange, plus ambiguë : est-ce bien une présence humaine, ou est-ce qu’il est quelque chose d’autre ? Je ne veux pas m’aventurer davantage dans les conjectures, pour ne pas trop donner mon point de vue, mais j’aime bien laisser des possibilités au spectateur.

Dans ce cas, nous pouvons laisser les questions relatives aux thématiques du film pour nous pencher sur son contexte de production. Comment s’est passé la coordination des équipes d’animations ? Comme elles étaient européennes, basées au Portugal, en France, en Belgique et au Pays-Bas, ont-elles manqué de souplesse d’esprit pour concevoir cette coexistence de deux esthétiques distinctes au sein de votre film ?

Au contraire ! Et cela a confirmé quelque chose que je pensais déjà : il faut toujours aller dans la direction que le film prend, car c’est un corps organique, et le réalisateur ne travaille pas seul, mais entouré par un groupe de créatifs aux compétences et aspirations précises. Si tu ne connais pas ton équipe, tu ne feras pas un bon film car tu ne sauras pas ce que tu es en capacité technique de faire. Et en retour le film lui-même s’adapte à l’équipe créative. Pour donner un exemple concret, la 3D est une technique nouvelle pour moi. Mes précédents courts-métrages étaient plutôt tournés vers le stop-motion, donc j’avais une certaine expérience de l’animation en volume, mais je sentais que la 3D pouvait aller plus loin sur les micro-mouvements du corps, et les expressions aussi, ce qui aide à nuancer les scènes.

Ce savoir-faire, c’est l’équipe française qui me l’a apporté, car elle avait de l’expérience dans le domaine. Sans l’appui notable de Lionel Chauvin (en charge de la création des personnage, du rendering…) et de Johanna Bessière (qui a travaillé sur les layouts), je n’aurais pas pu réaliser le film tel qu’il est aujourd’hui. J’ai appris au cours de la production à repenser les volumes et les ombres, qui ne s’expriment pas de la même manière qu’en stop-motion. En animation 3D, les personnages sont des marionnettes créées par ordinateur qui ont l’avantage de pouvoir être animées rapidement. Le logiciel 3D est ainsi capable de générer des ombres sur les modèles tout seul, et c’était important pour les scènes du présent qui avaient besoin d’une atmosphère un peu plus intense, et de mettre l’accent sur certains détails également. Le problème, c’est que si les personnages ont des formes ou mouvements atypiques, cela peut créer des ombres parasites, sur les vêtements ou les corps, qui dévient l’attention du spectateur des expressions et échanges des protagonistes. Il est donc obligatoire de retravailler les ombres, soit en les enlevant du logiciel pour les rajouter plus tard en post-production avec AfterEffect, soit en les animant à la main. Mais heureusement, travailler avec l’animation 3D facilite beaucoup d’étapes, et le travail avance plus rapidement dans l’ensemble.

Vous mettez l’accent sur la coordination des différentes équipes de production du film. Comment celle-ci a évolué au moment de l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 ? Y a-t-il des choses qui n’ont pas pu être menées à bien à cause de cet événement ?

J’ai finalement peu de recul pour mesurer ce que ça a changé dans l’organisation de la production par rapport à d’habitude car il s’agit de mon premier long-métrage. Mes précédentes productions étaient des courts-métrages réalisés dans un seul et même studio, alors que pour Nayola c’était réparti sur les quatre pays qui produisent le film. L’échelle n’était pas la même, ce projet beaucoup plus large était donc logiquement plus compliqué à piloter. Mais la pandémie a eu un impact dans notre travail comme pour tout le monde. Nous devions à l’origine tous être rassemblés dans une grande maison au Portugal le temps de la production, et deux semaines avant la date de lancement c’était le confinement. Ça nous a obligé à nous débrouiller, à mettre de nouvelles choses en place, mais on restait beaucoup dans le flou car on ne connaissait pas la dimension réelle de la pandémie, qui était en plus variable en fonction des pays.

Nous avons beaucoup gardé le contact via Discord, et nous avons mis en place un concept board commun. Il s’agit d’un genre de toile virtuelle qui permet de zoomer ou de s’éloigner des images sur lesquelles on travaille, de les mettre en série pour voir l’évolution de la séquence et corriger les raccords… C’était un outil numérique que je ne connaissais pas et qui apporte un certain confort, surtout pour moi qui suis particulièrement désorganisé et qui me repose beaucoup sur l’aide de l’assistante de réalisation, qui était avec moi au Portugal. Ce qui nous a manqué surtout c’était de voir les membres de l’équipe, d’échanger directement et d’aller boire un coup après le travail. On a décidé de faire ça lors de la projection du film au festival d’Annecy : on a pris en charge les frais de voyage de tous les participants afin que tout le monde puisse se rencontrer et profiter de l’accueil favorable qu’a reçu le film.

Il faut toujours aller dans la direction que le film prend, car c’est un corps organique, et le réalisateur ne travaille pas seul, mais entouré par un groupe de créatifs aux compétences et aspirations précises

Comment est perçu le sujet de la colonisation de l’Angola au Portugal aujourd’hui ? Est-ce qu’il est facile de réaliser une œuvre qui en parle, ou bien est-ce une question taboue ?

La question du colonialisme n’est pas vraiment résolue, notamment parce qu’on évite encore de se confronter frontalement au sujet. Le Portugal est un petit pays du point de vue géographique, et les découvertes maritimes que nos ancêtres ont faites pendant des décennies continuent de nourrir dans l’inconscient collectif l’image d’une grande nation, qui a également été entretenue par le gouvernement fasciste pendant cinquante ans. Les gens ont du mal à regarder le colonialisme aujourd’hui comme quelque chose qui a vraiment fait souffrir des peuples, à qui on a imposé une culture en décalage avec leur réalité et leurs mœurs. Nous, européens, c’est quelque chose qu’on a du mal à saisir car on a encore des difficultés à se mettre à la place des autres. Nous voyons le monde avec notre point de vue européen, et c’est normal, mais je crois qu’on est à une époque où on doit faire cet effort de compréhension et d’empathie, d’autant plus au moment où le racisme et les pensées extrémistes reprennent de l’ampleur.

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C’est important de ramener la science et l’histoire dans le débat, d’étudier et de parler de ces sujets pour de chasser les points de vue biaisés, ainsi que les discours qui minimisent ou masquent les événements. Parce que moi-même je pensais être beaucoup plus informé que je ne l’étais réellement sur la situation politique et sociale en Angola. En Europe, nous sommes au centre du monde du point de vue de la communication, de l’économie, et on ne voit pas les pays qui sont en périphérie, ou plus éloignés encore. Et c’est un phénomène qui se retrouve à l’intérieur même des pays européens. Pour prendre un exemple au Portugal, j’ai toujours été un peu circonspect de la « rivalité » qui existe entre Lisbonne et Porto. Vivant à la capitale, ce n’est que lorsque j’ai passé quelques temps ailleurs dans le pays que j’ai remarqué qu’à la radio on entendait énormément d’informations relatives à Lisbonne, comme les embouteillages ou les événements culturels. Et à ce moment j’ai compris ce que les habitants de Porto reprochent, une sorte de concentration d’informations et d’intérêts autour de pôles précis. On ne s’en rend compte que lorsqu’on y est extérieur !

Il y aurait donc un travail, à la fois philosophique, politique et social, de décentrement que les sociétés européennes devraient amorcer.

Oui, d’autant plus que le Portugal a également souffert a posteriori de la situation des colonies. Lorsque la guerre s’est terminée, les soldats portugais qui étaient dépêchés en Angola, comme mon père qui était militaire, sont rentrés au pays. Cela correspondait à peu près à 900 000 personnes, presque un million, pour dix millions d’habitants au total. Chacun a essayé de trouver sa place dans la démocratie qui venait de s’installer, il y avait cette perspective de construire un nouvelle société tournée vers le futur, donc ce qui venait de se passer a été mis de côté. Et peu à peu, les soldats revenus de la guerre ont découvert qu’ils avaient du mal à dormir, à vivre en société, et toute une série d’autres choses qui ont conduit des familles à souffrir en silence. Après cinquante ans de fascisme, la population avait appris à garder les choses pour elle, et on ne parlait pas de ça. On commence à en discuter doucement aujourd’hui, mais ce n’est pas la parole des soldats qui se libère, mais celle de leurs enfants, qui constatent peu à peu qu’ils n’étaient pas les seuls à vivre ce qu’ils ont traversé. C’est quelque chose qui m’a particulièrement frappé lors des premières projections de mon précédent court-métrage Fragments, inspiré du stress post-traumatique de mon père. C’était pour moi une expérience très personnelle, et des spectateurs venaient me voir à la fin de la séance pour me dire « Ah, je pensais être le seul dans cette situation » ou « J’ai reconnu tel ou tel proche dans ce que vous avez mis en scène ».

C’est également quelque chose présent dans Nayola, on sent que des choses se jouent à l’intérieur de l’héroïne dans plusieurs scènes de guerre. Et on le retrouve aussi dans quelques personnage secondaire, notamment dans le celui du cheminot, un peu fou mais très juste. J’ai personnellement beaucoup aimé la manière dont il s’adresse au personnage principal, ils ne se connaissent pas mais ils se parlent assez naturellement, parce qu’en fait ils ont la guerre en commun…

On n’imagine pas la quantité de fous qu’il y avait après la guerre. Un ami m’a rapporté qu’il n’existait plus de structure pour les accueillir, alors on leur attachait un pneu de voiture au pied pour les signaler au reste de la population, et aussi pour les empêcher d’aller trop loin et de faire n’importe quoi. C’est aussi pour ça que je me suis dit qu’il fallait mettre en scène un personnage fou, car la guerre abîme les hommes. Et en même temps je ne voulais pas faire un personnage fou stéréotypé, il renseigne correctement Nayola sur la direction qu’elle souhaite emprunter, et il est même un peu poète quand il parle du fleuve qu’elle souhaite remonter, et qui va mourir dans le désert.

La remontée du cours d’eau jusque dans les profondeurs du désert constitue la dernière partie du film. C’est un moment d’exil, d’errance et d’introspection à la fois. Ces états émotionnels semblent correspondre à la vision de la guerre façonnée au cours du film.

Pour moi, la guerre c’est quelque chose dont tu fais l’expérience et ensuite tu vis avec. Ce n’est pas quelque chose de simple, qui peut s’estomper facilement ou s’oublier. Je ne pouvais pas avoir un happy end avec un sujet comme ça, mais je voulais trouver moyen de prolonger les choses avec un point de vue africain, avec l’idée que la mort n’est pas une fin, et qu’elle mène vers autre chose. Pour les européens la mort est une tragédie, mais elle est vue différemment ailleurs. Dans d’autres cultures, on peut vivre après la mort dans un arbre, dans un animal, ou comme un esprit sans attaches, et moi je voulais construire cette continuité, cette beauté. C’est pour ça que j’ai utilisé la métaphore du fleuve qui meurt dans le désert, « c’est une belle mort » comme dit le personnage du cheminot, ça donne quelque chose de plus distant, de plus magique aussi.


Propos recueillis par Emilien Peillon pour Le Bleu du Miroir

Remerciements : Urban distribution, Calypso Le Guen
Utilisation de la photo portrait autorisée par Urban distribution



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