ROYAN 2025 | Un festival qui fait sens, une équipe qui fait la différence
Le rideau tombe sur le Festival du Film de Société de Royan, qui a dévoilé ce samedi soir son palmarès lors de la soirée de clôture animée par un talentueux et inlassable passionné, notre confrère Jean-Luc Brunet. Du 3 au 7 décembre, la ville charentaise a une nouvelle fois prouvé qu’elle méritait sa place parmi les rendez-vous incontournables du cinéma engagé et sensible. Très alléchante sur le papier, cette édition 2025 a tenu toutes ses promesses, offrant au public une programmation aussi exigeante qu’accessible, portée par une équipe exceptionnelle dont l’investissement a fait toute la différence.
Une compétition d’une rare solidité
Les sept films en lice cette année dessinaient un portrait saisissant de notre époque, entre mémoire, représentation, justice et quête de sens. Parmi eux, Furcy, né libre d’Abd Al Malik s’est imposé comme le film plébiscité par le jury jeunesse et par le public, récompense officialisée ce soir lors de la clôture. Cette histoire de liberté reconquise résonne avec une force particulière et devrait séduire les foules en salle au début de l’année à venir.

Pas forcément célébrés malgré de beaux retours publics, Love Me Tender d’Anna Cazenave Cambet, bouleversant récit d’émancipation porté par une Vicky Krieps sublime, restait l’un des coups de cœur de la rédaction depuis sa projection cannoise. Racontant la quête de vérité et de liberté d’une femme qui s’affranchit des normes, au prix de sa relation avec son fils, il clame avec vigueur qu’il vaut peut-être mieux continuer à aimer sans posséder, même si vivre libre a un coût.
Il en est de même pour La Condition de Jérôme Bonnell (présent sur place le 5 décembre) qui explore avec finesse la sororité et la liberté d’être et d’aimer et radiographie les mécanismes de domination patriarcale. Habitué des portraits de femmes complexes, le cinéaste (dont nous publierons dans quelques jours une passionnante interview, aux côtés de Swann Arlaud) signe ici une œuvre délicate qui interroge nos conditionnements sociaux. Et certainement l’un de ses meilleurs films.

Un prix Jeunesse, des films pour toutes les générations
La section jeunesse a brillé par sa diversité et son audace. Le Gâteau du Président, récompensé de la Caméra d’Or à Cannes, a interpelé le public par son mélange de douceur et de gravité, racontant comment un simple gâteau peut devenir le symbole d’une résistance silencieuse face à l’oppression. Le revigorant Ma Frère de Lise Akoka et Romane Guéret a illuminé le festival de son énergie solaire. Cette comédie sur l’amitié et le passage à l’âge adulte, portée par un duo d’actrices profondément attachantes, célèbre la beauté des liens qui nous construisent, même quand ils défient les normes familiales traditionnelles.
Si La Danse des Renards a pu laisser sur un sentiment mitigé du fait de ses conventions narratives parfois prévisibles, le film a su toucher par sa sensibilité dans l’approche de la santé mentale dans le sport, avec une prestation remarquable de Samuel Kircher qui incarne avec justesse un jeune boxeur confronté à ses démons. Plus exigeant pour un public pas forcément aguerri aux explorations asiatiques, Jusqu’à l’aube aura ouvert des horizons avec sa balade mélancolique nippone, qui méritera d’être découverte en salle dans quelques semaines.
Pépites espagnoles et internationales
Parmi les révélations de cette édition, Sorda d’Eva Libertad s’est distingué par son humanité débordante lors d’une matinée thématique autour de la surdité et de l’inclusion des malentendants. Ce récit espagnol sur un couple mixte sourde/entendant face à la maternité, né des conversations entre la réalisatrice et sa sœur Miriam Garlo (actrice du film), a conquis les coeurs grâce à son empathie et sa tendresse.
Autre pépite ibérique, récompensée du Prix du Jury de cette 5e édition, Les Dimanches a confirmé le talent de scénariste et de metteuse-en-scène d’Alauda Ruiz de Azúa (Querer). Avec ce 3e long-métrage, l’espagnole parvient à capter cette tension particulière des vies en suspens, explorant avec délicatesse les non-dits familiaux et les chemins de bataille, entre émancipation et déni. Nous reviendrons plus longuement sur le film dans les prochains jours, avec une critique consacrée à ce qui sera l’un des films incontournables de cet hiver.

Rebuilding de Max Walker-Silverman, présenté dans le focus américain, a ému par sa célébration de ceux qui n’ont presque rien. Porté par Josh O’Connor dans un rôle d’une finesse bouleversante, ce drame intimiste nous plonge dans la vallée de San Luis où un cow-boy dépouillé de tout par un incendie réapprend les gestes essentiels. Superbement photographié, ce film intimiste transforme le dénuement en plénitude, la perte en découverte, avec une patience méditative qui évoque les grands maîtres du cinéma contemplatif.
Enfin, L’Illusion de Yakushima de Naomi Kawase a confirmé l’aisance de la cinéaste japonaise à filmer les zones troubles de l’âme humaine. Avec Vicky Krieps en spécialiste des transplantations cardiaques confrontée à la disparition de son compagnon photographe au Japon, le film interroge avec une poésie visuelle envoûtante ce qui demeure quand tout s’évanouit.
Une équipe au cœur du succès
Au-delà de l’excellence de la programmation, c’est l’investissement humain qui a fait battre le cœur de cette cinquième édition. Il faut saluer le travail et la disponibilité de Laurence Lega, coordonnatrice du festival, épaulée avec brio sur la partie digitale par ses deux indispensables acolytes, Lucie Loupien et Laura Karaghiosian, dont le professionnalisme n’a eu d’égal que leur gentillesse. Saluons également Patricia Belaud, qui chapeautait la logistique avec maestria, sans compter ses heures, avec son équipe de bénévoles investi·e·s, évitant les accrocs malgré les nombreux contretemps pratiques et météorologiques que la charge d’un tel événement occasionne parfois.

Un grand bravo donc à toute l’équipe d’organisation, des professionnels aux bénévoles infatigables, toujours sur le pont, toujours avec le sourire malgré les longues journées. Leur enthousiasme communicatif a transformé chaque projection en moment de partage, chaque échange informel en dialogue sincère et convivial. C’est cette alchimie humaine, rare et précieuse, qui fait du Festival de Royan bien plus qu’un simple événement culturel : un véritable lieu de rencontre(s) où le cinéma devient prétexte à penser le monde ensemble.
Rendez-vous est déjà pris pour 2026, avec l’espoir que cette belle aventure collective continue de grandir et d’illuminer les salles obscures de Royan, portée par la même exigence artistique et la même générosité humaine.






