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WONDER WOMAN 1984

En 1984, au contact d’une mystérieuse pierre ornée d’inscriptions latines, Diana Prince / Wonder Woman retrouve Steve Trevor, son amant mort sur le champ de bataille il y a plusieurs dizaines d’années. Ils mèneront ensemble l’enquête, de New York jusqu’en Egypte, pour tenter de percer les mystères de cet artefact avant qu’il ne mette à mal l’équilibre politique international…

CRITIQUE DU FILM

Il faut moins de dix minutes pour comprendre le programme et les grandes faiblesses de Wonder Woman 1984. Après une course acharnée composée d’une série d’acrobaties, Diana Prince alors enfant décide de prendre un raccourci et ne fait donc pas l’intégralité du parcours balisé par ses consœurs. Antiope lui dit alors qu’elle ne peut gagner si elle ne prend pas le chemin balisé et, de fait, ne se sert pas de la vérité pour triompher. C’est uniquement par ce biais qu’elle pourra accomplir de grandes choses et découvrir le doux son de la victoire.

SANS ILLUSION, ET SANS LENDEMAIN

Rien n’est caché dans ce nouveau film de Patty Jenkins. Chaque effet d’annonce est résolu dans l’immédiat, le régime de « vérité » décrit ci-dessus parcourt l’écran thématiquement (la pierre à vœux – Macguffin du récit – dévitaliserait n’importe quelle personne qui l’utiliserait) et formellement (le film baigne dans une esthétique numérique anachronique, ornementée de fonds verts et d’artifices visibles à des kilomètres). Tout est une question de procuration : partout le « beau » a pris le pas sur le « vrai », et les spectacles atemporels ne sont visibles que par un ensemble de données numériques et de vitraux animés hors du processus de tournage. Barbara Minerva par exemple, par adoration de la beauté et la force de Diana, en devient une banale copie qui perd de son humanité au fil des minutes. 

Cela sied tout à fait au fil rouge esthétique promu dans le film. De la même manière, l’introduction de l’opportuniste Maxwell Lord à la télévision, devant un patchwork d’images voulant signifier sa présumée richesse, renforce cette absence d’organique et ce culte de l’apparat.  Un motif de télévision que l’on retrouve en début et fin de film comme moyen de diffusion perverse pour l’auditoire : ce qui en sortirait est une succession de fragments destinée à faire consommer sans pouvoir résoudre les problèmes des gens au plus profond d’eux-mêmes. 

NIL, NIL, FLEUVE impétueux et TUMULTUEUX… 

A part ces motifs audiovisuels, difficile de comprendre pourquoi l’année 1984 a été choisie comme cadre strict du récit. Réélection de Reagan ? Boycott de l’URSS des JO de Los Angeles ? Mais la décennie dans sa globalité n’est pas si anodine pour l’esquisse de sujet amorcée en amont. Nous sommes dans un contexte de fin de guerre froide, où la fiscalité de l’État est affaiblie par les premières dépenses reaganiennes et le pays se cherche ses nouveaux self-made-men qui replaceraient les États-Unis au centre de la carte. Cette situation est bien visible dans le film, lors de la scène controversée où l’émir Bin Abydos (jouée par Amr Waked, déjà aperçu dans Lucy de Luc Besson) reçoit Maxwell Lord en Égypte. 

Par un courtois échange commercial très rapide (des ressources pétrolières contre une portion de territoire censée être héritée par l’émir), un mécanisme qui dépasse même le président Reagan s’enclenche et met sur un pied d’égalité les nouveaux hommes d’affaires, vainqueurs du néo-libéralisme et de la théorie de l’économie de l’offre, avec les chefs de pays. Au-delà de la polémique sur le fait que l’Égypte n’avait plus d’émir au pouvoir en 1984, cette scène permet (de manière bête mais par défaut) de relever que les chefs d’État ne sont plus rien face aux propriétaires de grands conglomérats ; et le fait de choisir une fonction politique désuète permettrait sans doute de ne pas insulter la culture actuelle d’un territoire déjà gouverné depuis trois ans par Hosni Moubarak. Toutefois, passé ce court passage analytique, force est d’admettre que le film n’a rien de plus à proposer. Que l’on ne s’y méprenne pas : Wonder Woman 1984 n’a de profond que ce ramassis d’évidences formelles et historiques sans aucunes nuances. 

« HEY, TRUMP IL EST ORANGE »

Outre ces répétitions historiques et esthétiques, le film n’est pas dénué d’humour. Cependant la rythmique comique n’est qu’un enchaînement de blagues éculées et surlignées par une musique épuisante de didactisme, à l’instar du premier volet – les pouvoirs en premier lieu surprenants de Diana laissent ensuite place à la découverte de nouvelles architectures postmodernes dont Steve, revenu des morts, n’a aucune connaissance des codes. Tous les aspects du film se noient encore une fois dans un système qui se répète encore et encore, s’étire durant ces interminables deux heures et demie.

Aussi peut-on parler des performances du trio de tête, composé de Gal Gadot, Kristen Wiig et Pedro Pascal, qui semblent jouer dans un film différent à chacune de leurs apparitions. La raison est toute trouvée : le film ne parvient jamais à choisir si son ton doit se situer dans une atmosphère eighties kitsch, digne de la première série télévisée, ou s’il doit se fondre dans une dramaturgie plus moderne, en raison des enjeux qu’il peut parfois faire figurer. Cela donne un aspect bâtard et étrange qui agace plus qu’il n’intrigue. 

Les performances de l’actrice israélienne au cinéma ont toujours été discutables mais attribuons une mention spéciale à Pedro Pascal, horriblissime en parodie de Donald Trump que l’on croyait proscrite (teint orange, phrasé publicitaire, postures robotiques…), influençant les plus faibles pour pouvoir jouer sur leur détresse et leurs besoins. Une caractérisation, aussi adolescente et manichéenne, parait presque irresponsable dans un film qui s’avance parfois pour parler économie et géopolitique, sept ans avant la signature d’un traité de paix américano-soviétique. La puérilité, la superficialité du traitement et la maladresse de l’ensemble fourni par Patty Jenkins et ses équipes de tournage sont le résultat de ce naufrage à 200 millions de dollars. 

BANDE-ANNONCE

31 mars (achat digital) et 7 avril 2021 (vidéo) – Avec Gal GadotChris PineKristen Wiig




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