UNE HISTOIRE VRAIE
Alvin Straight, vétéran de 73 ans, vit avec sa fille Rose dans une petite ville de l’Iowa. Lorsqu’il apprend que son frère Lyle a été victime d’une attaque, le vieil homme décide de renouer avec lui, après dix ans de silence. Malgré son état de santé problématique, Alvin est résolu à entreprendre le long voyage qui le sépare de son frère. Privé de permis de conduire à cause de sa mauvaise vue, il va devoir effectuer plusieurs centaines de kilomètres sur sa tondeuse à gazon…
Critique du film
Inspirée de l’histoire vraie d’Alvin Straight – le film lui est dédié – cette œuvre de David Lynch tournée en 1999 part d’un synopsis assez ténu, ce qui rend le résultat final d’autant plus remarquable. Tout le talent de Lynch à faire vivre des personnages, à nous captiver avec le quotidien, les choses simples et un certain éloge de la lenteur, éclate à chaque instant. Très éloigné de l’ambiance de Blue Velvet ou de Lost Highway, Une Histoire vraie met en scène des personnages et des situations à priori d’une grande banalité : un vieil homme, brouillé depuis dix ans avec son frère, apprend que ce dernier est gravement malade et il décide d’aller le voir. Nous allons alors suivre le périple d’un vieil homme, lui-même de santé assez précaire, tout faire pour retrouver son frère, conscient de l’échéance fatale qui nous attend tous.
Pour interpréter cet homme déterminé malgré son âge avancé, ses soucis de santé et les difficultés d’une telle aventure, David Lynch avait choisi Richard Farnsworth, acteur pas forcément connu du grand public. Né en 1920, il est devenu à Hollywood à la fois cascadeur et acteur et à la filmographie plutôt prestigieuse – Spartacus, Le Souffle de la tempête, qui lui valut une première nomination aux Oscars, ou Tom Horn. La prestation de Richard Farnsworth s’avère magnifique, tout en retenue, en pudeur, mais aussi en tendresse – ses rapports avec sa fille – ou en rouerie de vieil homme à qui on ne la fait pas – face aux mécanos jumeaux. Tout peut se lire dans son regard, l’inquiétude, la profonde humanité, la générosité, mais aussi la détermination et le courage, sans esbroufe, simplement véritables. Ceux d’un homme qu’il sait qu’il n’a plus grand-chose à perdre et qui n’accorde de valeur qu’à l’essentiel : les rapports humains, la solidarité et le regard que l’on porte sur ce qui nous entoure. Cet acteur, nominé pour ce rôle aux Oscars mais cette fois-ci dans la catégorie premier rôle, se donna la mort en octobre 2000, atteint d’un cancer en phase terminale.
La solidarité représente une valeur très présente dans ce périple : celle d’Alvin face à une auto-stoppeuse paumée, mais aussi celle d’autres protagonistes, prêts à donner un coup de main au vieil homme – même si celui-ci affirme vouloir finir ça à sa façon. On ne ressent aucun apitoiement dans ce cheminement qui fait croiser la route d’Alvin avec celle de représentants d’une Amérique rarement montrée au cinéma, avec autant d’attention et de respect. Pas plus de manichéisme : chacun a ses zones d’ombre et Alvin n’échappe pas à cette règle. Les souvenirs de la guerre et de l’alcool sont bien présents.
Œuvre sublime et crépusculaire, Une Histoire vraie émeut par sa simplicité et le talent de ses interprètes, avec en tête Richard Farnsworth, bien sûr, mais aussi Sissy Spacek, dans un rôle qui lui permettait de livrer une composition particulièrement touchante par sa sensibilité et sa subtilité. Formellement très réussi, avec sa musique d’Angelo Badalamenti, qui offrait une partition country paisible et en parfaite symbiose avec les paysages magnifiés par la photographie du vétéran Freddie Francis, Une histoire vraie apaise beaucoup également. En replaçant bien des préoccupations ou bien des choses à leurs vraies places, en relativisant ce qui doit l’être, le cinéaste d’Elephant Man, nous offrait un regard plein d’empathie et d’une certaine forme d’espoir et nous invitait à partager une certaine approche de la vie, où un émerveillement quasi-panthéiste devant la nature, les éléments joue un grand rôle.
