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UNE AFFAIRE D’HONNEUR

Paris 1887. À cette époque, seul le duel fait foi pour défendre son honneur. Clément Lacaze, charismatique maître d’armes se retrouve happé dans une spirale de violence destructrice. Il rencontre Marie-Rose Astié, féministe en avance sur son époque, et décide de lui enseigner l’art complexe du duel. Ils vont faire face aux provocations et s’allier pour défendre leur honneur respectif.

CRITIQUE DU FILM 

Une affaire d’honneur commence dans le tumulte d’un grand appartement parisien mondain, à coté d’une grande scène montée pour être le théâtre d’une joute entre deux grands escrimeurs. L’atmosphère est badine, presque teintée d’accent forain, tempérée par les tenues très guindées d’un univers presque aristocratique. Cette introduction nous présente le personnage principal, Clément Lacaze, maître d’armes célèbre, considéré comme le plus grand escrimeur de son époque. En l’espace de quelques minutes, le spectateur est plongé au milieu de ce spectacle, les enjeux dramatique apparaissant subitement autour d’une rivalité amoureuse. Avec ce quatrième film en tant que réalisateur, Vincent Pérez brosse le portrait d’une France d’avant la Première guerre mondiale, encore très marquée par une étiquette d’Ancien régime où les hommes réglaient leurs différents par des duels épiques.

La guerre comme cicatrice


Roschdy Zem joue ce combattant placide et renfrogné, qui se retrouve au cœur non seulement d’une problématique familiale, l’honneur de son neveu étant en jeu, mais aussi de mouvements importants de l’histoire, avec une thématique féministe incarnée par Marie-Rose Astié. Derrière ces deux axes majeurs se cache le traumatisme de la guerre de 1870, ce conflit qui fut le chant du signe du Deuxième Empire français et le début de l’aventure républicaine. Lacaze est un homme taiseux, mais considérablement hanté par cette guerre franco-prussienne qui le pourchasse jusque dans les peintures qu’il retrouve chez ces mondains qui l’invitent pour faire la démonstration de son art. La première réussite de Perez est de ne pas en faire un héros absolu, mais plutôt un homme normal confronté à l’horreur et aux aléas tragiques d’un contemporain qu’il ne cesse de percuter.

Le rôle que se donne l’auteur, celui d’un noble orgueilleux qui ne supporte pas de perdre sa fiancée pour un homme plus jeune que lui, est significatif du regard qu’il porte sur son sujet. De bien des manières, le film s’attache à démontrer que tout ce qui se déroule est une survivance du passé, encapsulé par une élite qui refuse toute modernité, gardant avec une grande jalousie ses privilèges très au dessus du reste d’une population ignorée au mieux, méprisée au pire. L’attitude de Ferdinand Massat, directeur de journal, joué par l’excellent Damien Bonnard, souligne cet état de fait. Le sentiment d’enfermement dans un sérail est très fort dans cette histoire, jusque dans le symbole de ces lieux d’entrainement réservé à un petit groupe d’hommes.

La modernité sans corset


Doria Tillier est ici Marie-Rose Astié de Valsayre, reporter, militante passionnée, qui a pris Massat comme souffre-douleur, lui qui affiche publiquement son mépris et sa haine des femmes. Ce très beau personnage est un rappel constant des combats pour l’émancipation féminine qui en est à ses prémisses dans un moment où les familles aisées continuaient à faire enfermer les femmes de leur entourage dans des hôpitaux comme La Salpétrière quand elles exprimaient trop ouvertement des envies de liberté et d’égalité. Vincent Pérez a l’habileté de mener son propos avec finesse, présentant le petit groupe de Marie-Rose comme marginal, peu entendu, avec l’attitude même de Lacaze très réservée sur tous les sujets touchant aux femmes.

C’est une histoire qui manie ce qu’il faut de tragique et de dramatique que raconte Vincent Pérez, nous plongeant dans des joutes oubliées, où l’on retrouvait des hommes incapables de saisir les changements et évolutions du temps dans lequel ils vivaient. Ces bulles machistes, violentes et absurdes n’éclatèrent qu’avec la Grande guerre, bouleversement sans précédent qui balaya ces survivances de l’Ancien régime avec la naissance du XXème siècle. C’est un beau succès que d’avoir réussi à reconstituer ce monde perdu, et d’en avoir retranscrit le charme mais aussi l’absurdité, autour de beaux personnages bien écrits et interprétés.

Bande-annonce


27 décembre 2023De Vincent Pérez
Avec Roschdy Zem, Doria Tillier et Damien Bonnard.




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