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UN COUP DE MAÎTRE

Propriétaire d’une galerie d’art, Arthur Forestier représente Renzo Nervi, un peintre en pleine crise existentielle. Les deux hommes sont amis depuis toujours et, même si tout les oppose, l’amour de l’art les réunit. En panne d’inspiration depuis plusieurs années, Renzo sombre peu à peu dans une radicalité qui le rend ingérable. Pour le sauver, Arthur élabore un plan audacieux qui finira par les dépasser… Jusqu’où peut-on aller par amitié ?

CRITIQUE DU FILM 

Rémi Bezançon fait partie de ces réalisateurs attachés à un cinéma de personnages ancrés dans des problématiques purement contemporaines. De l’angoisse existentielle des trentenaires (Ma vie en l’air, Nos futurs) à la dissection d’une cellule familiale dans le temps (Le Premier jour du reste de ta vie), le réalisateur vise l’universel et tente de capter des ‘’instants de vie’’ auxquels chacun sera susceptible de s’identifier. Avec Un coup de maitre, son regard sensible sur l’humain s’acidifie (un peu) puisqu’il choisit de s’intéresser au milieu de l’art picturale et son business. Il adopte ainsi un ton plus satirique, déjà notable dans Le mystère Henri Pick qui tournait plus ou moins en dérision le monde de l’édition.

En choisissant d’adapter le film argentin Mi obra maestra (2018) de Gaston Duprat, Rémi Bezançon retrouve une dynamique de comédie similaire à celle de son précédent long-métrage porté par Fabrice Luchini et Camille Cottin. Ici, il remet en scène un duo assez classique de personnages tout à la fois opposés et complémentaires. Renzo Nervi est un peintre figuratif, misanthrope et dépressif, ne parvenant plus à trouver l’inspiration. Il peut néanmoins compter sur le soutien indéfectible – et un brin masochiste – de son galeriste attitré, Arthur, qui continue de l’exposer, malgré de réelles difficultés à vendre ses œuvres. Convaincu par le talent intrinsèque de son ami (et afin de renflouer les caisses), Arthur décide d’accepter une commande au nom de Renzo : celle d’une peinture destinée à orner les locaux d’une entreprise agro-alimentaire de renom. S’engage alors entre les deux hommes une confrontation idéologique, Renzo considérant dans un premier temps cette proposition comme un dévoiement total à son intégrité artistique.

Pour construire l’évolution des rapports d’attraction/répulsion qu’entretiennent ses deux héros, Rémi Bezançon a conçu son scénario sur le modèle d’une comédie romantique. C’est certainement l’idée la plus réussie du film qui assume pleinement ses aspirations de ‘‘bromance’’ décalée. Les dialogues font souvent mouche entre l’artiste bourru et l’homme d’affaires pragmatique. Certains échanges frôlant l’absurde font preuve d’une belle rythmique théâtrale qui colle plutôt bien à l’artificialité du monde dépeint à l’écran. Et comme souvent chez le réalisateur, chaque rôle est parfaitement campé par son interprète. La poésie lunaire de Vincent Macaigne se marie à merveille avec la spontanéité primitive de Bouli Lanners. L’alchimie entre les deux comédiens fonctionne et demeure la principale attraction du film. Paradoxalement, c’est sans doute également sa plus grande limite, puisqu’au-delà du tandem principal, rien ne semble exister.


Certaines faiblesses d’écritures sont particulièrement visibles dans le traitement des personnages secondaires. La plupart sont réduits à de simples jokers scénaristiques, à commencer par l’apprenti peintre incarné par Bastien Ughetto. Imbriqué au forceps dans le récit, ce dernier ne bénéficie jamais d’enjeux ou d’un parcours dignes de ce nom et intervient dans une poignée de scènes de manière totalement opportuniste, tel un deus ex machina.

De la même manière, le scénario souffre d’une dissonance entre les élans satiriques de son discours sur la marchandisation de l’art et la manière dont ce même scénario traite ses héros. Jamais ces derniers ne sont véritablement présentés comme des êtres manipulateurs, immoraux et hypocrites malgré toutes les actions et décisions de leur part qui vont dans ce sens. Au contraire, la mise en scène et la direction d’acteurs s’attachent à rendre constamment ce duo le plus sympathique possible. Mais en refusant de proposer aux spectateurs une identification à des personnages profondément cyniques, voire négatifs, le film se lisse inévitablement, perdant tout le mordant qu’il tentait d’instiguer.

Reste alors l’impression d’une proposition qui ne va pas jusqu’au bout de ses ambitions, coincée entre ses envies d’être à la fois un ‘’buddy-movie’’ populaire et une comédie plus grinçante sur les faux-semblants d’un milieu hors sol. Finalement, c’est avant tout l’histoire d’une amitié mise à mal pour mieux se consolider au fil des événements, soit la recette la moins originale pour piquer les esprits.

Bande-annonce

9 août 2023 – De Rémi Bezançon, avec Bouli Lanners, Vincent Macaigne et Bastien Ughetto.




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