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SALLY BAUER, À CONTRE COURANT

Suède, 1939. Alors que l’ombre de la Guerre plane sur l’Europe, Sally Bauer, mère célibataire de 30 ans, rêve d’un autre combat : traverser la Manche à la nage et entrer dans l’Histoire. Mais son ambition dérange. Incomprise par la société et menacée par sa propre famille, elle est confrontée à un choix déchirant : renoncer à ses aspirations ou défier l’ordre établi. Pas seulement pour battre un record, mais pour prouver qu’une femme peut choisir son destin.

Critique du film

C’est l’histoire d’une traversée. D’un corps dans l’eau glacée, luttant contre la fatigue, les vagues, le vent. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme qui décide de ne pas renoncer. En 1939, Sally Bauer devient la première femme scandinave à traverser la Manche à la nage. Un exploit sportif, certes, mais surtout un geste d’affirmation, à contre-courant des attentes, des regards et des injonctions.

Avec ce premier long métrage de fiction, Frida Kempff signe un biopic nourri par le désir de redonner voix à une figure oubliée de l’histoire suédoise. Inspirée par le roman Happy Sally de Sara Stridsberg, la réalisatrice évite les sentiers battus du biopic héroïque pour explorer, en creux, ce que coûte une ambition féminine dans un monde qui la réprouve. Car Sally est mère. Elle aime son fils, mais refuse de faire de cette maternité une fin en soi. Lorsqu’elle décide de se lancer dans cette traversée, elle fait face à l’incompréhension de ses proches puis à la culpabilisation manifeste qui se traduit dans les regards comme les paroles — de son entourage comme de la société. Le film capte cette pression avec une grande justesse, sans surligner. Kempff dresse ainsi le portrait d’une femme prise entre désir et devoir, entre maternité et liberté, entre les attaches qu’on lui impose et l’élan qu’elle choisit. Loin d’être une figure parfaite, Sally est habitée de doutes, d’hésitations. Mais elle avance. Le film la suit sans héroïsme, dans sa détermination presque physique, son besoin vital de ne pas se laisser engloutir par une vie décidée pour elle.

Sally Bauer

La mise en scène épouse cette retenue. Sobre, sensorielle, elle laisse la nature faire son œuvre : le vent, le froid, la lumière pâle du ciel suédois ou le ciel plus obscur des côtes de la Manche. Les scènes de nage sont filmées au plus près du corps, comme un effort intérieur autant que physique. Josefin Neldén incarne Sally avec une intensité calme, sans jamais appuyer : son regard seul dit l’essentiel.

Prenant place en 1939, à l’orée d’un monde qui vacille, le film ne fait pas de son contexte historique un enjeu frontal, mais il l’infuse, comme une houle sous la surface. La liberté de Sally, sa volonté d’aller au bout de son désir, apparaît alors comme un acte politique. Dans un monde qui se referme, elle choisit l’ouverture, le mouvement, la mer.

Sally Bauer, à contre-courant n’est pas un simple récit de dépassement de soi. C’est un film sur ce que cela signifie, encore aujourd’hui, pour une femme de choisir autre chose. De ne pas se conformer à l’image attendue : celle de la mère entièrement dévouée, de la femme raisonnable, de la sportive modeste. Le film rappelle avec finesse que la culpabilisation des mères, l’assignation des femmes à la sphère domestique, ne sont pas des archaïsmes révolus, mais des réalités toujours actives.

Bande-annonce

13 août 2025 – De Frida Kempff


Festival Visions Nordiques