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[REC]

Angéla est journaliste pour une télévision locale. Accompagnée de son caméraman, elle relate le quotidien de ceux qui travaillent la nuit. Ce soir, elle est dans une caserne de pompiers. La nuit est calme, aucune urgence. Jusqu’au coup de fil d’une vieille dame qui réclame du secours. Le tandem suit les pompiers et découvre en arrivant sur place des voisins très inquiets. D’horribles cris ont été entendus dans l’appartement de la vieille dame. Angéla perçoit la tension des habitants, son reportage devrait enfin sortir de la routine… Elle n’imagine pas à quel point !

Zombie à l’espagnole.

A mi-chemin dans le temps et sur la forme entre The Walking Dead et le Projet Blair Witch, le phénomène REC renouvelle le genre du film de zombies à sa sortie en 2007. Et fait de ces créatures une métaphore des démons du passé que l’Espagne continue d’affronter.  

Près d’une décennie après Le Projet Blair Witch[REC], entièrement filmé en « found footage », en impose par sa forme, qui emprunte aussi bien aux codes du jeu vidéo que du documentaire caméra sur l’épaule. Sa sortie s’est accompagnée d’un plan marketing bien huilé : la bande-annonce montrait une succession d’images compilant les réactions horrifiées des spectateurs à la projection du film.

Quelques années avant l’engouement The Walking Dead, REC renouvelle le genre de façon radicale. Des zombies espagnols ? Contre-intuitif à première vue. Ce serait oublier l’importante tradition du gothique dans la création cinématographique locale, qui a acquis sa renommée internationale en deux décennies, que ce soit avec L’échine du diable, Le labyrinthe de Pan ou L’orphelinat. Sous la dictature, l’horreur, considérée comme mineure, était épargnée par la censure, ce qui a de fait permis son développement. Aujourd’hui, les films de genre permettent d’évacuer les traumatismes nés d’un vingtième siècle particulièrement violent pour les Espagnols, qui ont gardé du franquisme une culture de la surveillance.

Fantômes de la dictature

Dans La Comunidad, justement traduit en français par « Mes chers voisins », Carmen Maura, l’ex-égérie d’Almodovar, doit faire sortir de son immeuble un magot sous le nez des autres résidents qui ne l’entendent pas de cette oreille. Plus récemment, Malveillance mettait en scène un gardien qui prend un malin plaisir à transformer la vie de ses locataires en enfer. Lieu du huis clos où se déroule REC, l’immeuble se retrouve au carrefour des angoisses de la psyché ibérique. Quoi de pire que de se retrouver enfermé dans un immeuble avec vos voisins transformés en créatures démoniaques prêtes à vous attaquer sans raison ? Et si les zombies n’étaient rien d’autres qu’une métaphore de la violence arbitraire et primitive à laquelle les Espagnoles ont été soumis pendant une guerre civile et quarante ans de dictature ?

REC propose aussi en creux un portrait de la société espagnole contemporaine : le voisin chinois représente bien cette nouvelle donne où le pays est passé de terre d’émigration à foyer d’accueil pour immigrants. Et signe une charge très violente contre le voyeurisme de la « tele-basura », la télé-poubelle espagnole. Choix des réalisateurs, l’héroïne est d’ailleurs interprétée par une véritable animatrice de la télévision espagnole, Manuela Velasco. Son obsession de tout enregistrer, qui donne son titre au film (« rec » pour « record »), semble la précipiter vers sa perte dans cette tragédie moderne qui respecte d’ailleurs les règles classiques du genre : unité de temps (une nuit), de lieu (un immeuble) et d’action (chercher une issue).

À la fin du film, plongés dans l’obscurité, les protagonistes se retrouvent en quête d’une issue vers le niveau suivant, comme dans un jeu vidéo. Comme souvent dans ce genre de longs-métrages, c’est à ce moment-là que le mystère est (partiellement) levé. On retrouve alors la main de l’Eglise derrière le secret qui a donné naissance au zombie zéro, comme un symbole de la relation d’amour-haine qu’entretient l’Espagne avec l’institution religieuse, qui semble toujours prête à tirer les ficelles dans l’ombre.

 




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