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ON VOUS CROIT

Aujourd’hui, Alice se retrouve devant un juge et n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père avant qu’il ne soit trop tard ?

Critique du film

C’est d’abord du côté de la littérature que les récits sur l’inceste ont provoqué le plus d’émoi, ouvrant des débats de fond sur une réalité longtemps déniée. Parmi les déflagrations littéraires de ces dernières années, La Familia grande de Camille Kouchner et Triste Tigre de Neige Sinno ont contribué à cette libération de la parole. Le cinéma ne pouvait rester en marge de ces secousses qui traversaient la société française. L’inceste n’est pas apparu comme un sujet il y a cinq ans, mais son traitement par les cinéastes, oui. Plus que jamais, le cinéma semble vouloir sensibiliser, témoigner, et traduire cette prise de conscience collective à travers des formes nouvelles.

En 2024, Christine Angot troquait la plume pour la caméra avec un documentaire retraçant sa propre histoire (Une famille), pour illustrer les ravages de l’inceste et ses répercussions intimes. Arnaud Dufeys et Charlotte Devillers, également néo-cinéastes, auraient pu eux aussi faire le choix du documentaire. Le casting d’acteurs non-professionnels – certains étant avocats de métier – ou encore la séquence d’audition au tribunal, filmée en temps réel (près de cinquante minutes), donnent à On vous croit une densité quasi documentaire, cherchant à se rapprocher au plus près de la vérité de son sujet.

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Ce souci de proximité innerve également la mise en scène, construite autour d’un enchaînement de gros plans, principalement sur le visage d’Alice, mère débordée et extrêmement tendue, qui doit affronter son ex-conjoint accusé de viols sur leur fils Étienne et tentant d’obtenir la garde exclusive des deux enfants. Le père, à qui le film n’attribue jamais de nom, nie en bloc les accusations portées contre lui, ainsi que l’ouverture d’une enquête. À ce déni stupéfiant s’ajoute la défense offensive – puis humiliante – de son avocate, remettant sans cesse en question la légitimité d’Alice à s’occuper seule de ses enfants et la véracité du témoignage du petit garçon.

Comme un manifeste, le titre du film, On vous croit, fait écho au slogan militant qui invite à soutenir les victimes ayant le courage de parler, souvent bafouées et isolées dans leur combat. En isolant sa protagoniste dans un cadre clos, face à la froideur impersonnelle du système judiciaire, le film détourne ce slogan pour en interroger la portée réelle.

Dufeys et Devillers choisissent de s’éloigner de la représentation directe de l’horreur incestueuse pour explorer une violence plus sourde mais tout aussi délétère : celle que l’institution inflige par ses mécanismes, ses failles, ses attentes et son inertie. En se tenant au plus près de son héroïne sans jamais céder au pathos, On vous croit rappelle combien la reconnaissance de la parole des victimes reste un combat collectif, bien au-delà du cadre judiciaire.

Bande-annonce

12 novembre 2025 – De Charlotte DevillersArnaud Dufeys