NudoMixteco

NUDO MIXTECO

Trois histoires s’entrecroisent à la fête patronale de San Mateo, village mixtèque de la région d’Oaxaca, dans lesquelles trois femmes font le choix de l’émancipation. Maria, revenue au village pour enterrer sa mère, renoue avec Piedad, son amour de jeunesse. Chabela fait face au retour d’Esteban, son ancien époux, furieux de voir qu’elle a refait sa vie sans lui. Toña revit un traumatisme lié à son enfance qu’elle décide de ne plus taire. À leur manière, ces trois femmes vont tenter de s’affranchir des pratiques patriarcales et des traditions dans une société mexicaine en pleine mutation.

Critique du film

« Le monde n’est pas gouverné par des imbéciles, mais il n’y a que les imbéciles qui se flattent de pouvoir le gouverner. » Si les mots qu’Alfred Capus avait publiés dans Le Gaulois n’ont a priori rien en commun avec les dunes arides du Mexique, ils trouvent cependant une résonnance toute particulière dans le regard qu’Ángelès Cruz porte sur le fléau patriarcal.

Projeté pour la première fois en France lors de la dernière édition du festival Viva Mexico, avant de trouver enfin son chemin dans toutes nos salles, Nudo Mixteco est un objet cinématographique déroutant. Mélange d’âpreté de dialogues et maîtrise de l’image, il met en lumière une communauté indigène de Mésoamérique trop méconnue par le prisme de trois destins de femmes qui tantôt se servent, tantôt s’affranchissent de ses codes bien particuliers.

TROIS FEMMES… UN JOUR DE FETE

Tourné dans son village natal, au plus proche de sa population, le premier long-métrage de la réalisatrice est autant une déclaration d’amour à ses racines qu’un poing militant levé en solidarité de toutes ces femmes qui, au Mexique comme partout ailleurs, arrachent leur émancipation à force de lutter en permanence dans un quotidien dominé par la loi des hommes.

Maria, Chabela et Toña sont trois figures courageuses qui portent en elles le feu de ces volontés ardentes, nées des violences qu’elles se refusent à subir d’avantage. La première, rejetée par son père à cause de son homosexualité, se présente à la vue de tous aux obsèques de sa mère et se montre solidaire de la deuxième qui tient tête à un mari ayant quitté le village pour vivre de sa musique, persuadé de retrouver une épouse docile et pleine de reconnaissance. La troisième, quant à elle, brisera le silence qui pèse sur l’inceste qu’elle a subit et partira avec sa fille, victime elle aussi des horreurs de celui que tous traitent pourtant en bon père de famille. Un trio d’héroïnes aussi merveilleuses dans leur pugnacité que gracieuses dans leur vulnérabilité, que les actrices Sonia Couoh, Myriam Bravo et Aida López portent d’une performance solaire de nuances.

Initialement imaginé comme un monologue très personnel autour de la question du retour aux sources après plusieurs années d’éloignement, Cruz réussit avec une étonnante justesse à plus encore raconter l’histoire universelle de la lutte éminemment actuelle des femmes pour disposer librement de leurs corps et de leurs vies. En s’attachant au point de vue de trois générations de battantes à des moments charnière de leur existence, elle montre les conséquences de leur prise de décision sur la communauté qui les a vues grandir et de laquelle, sans vouloir la voir disparaitre, elle souhaitent s’émanciper. Le petit village de San Mateo s’éveille alors, et au rythme des cuivres de fête qui célèbrent son saint patron, considère sous un jour emprunt de respect ces trois voix différentes, jusqu’alors perçues comme intruses parce que bousculant l’ordre établi.

Nudo Mixteco : Trois destins de femmes

Proche d’une caméra documentaire, l’œil d’Angelès Cruz filme sans artifices mais avec une pudeur touchante ces trois parcours qui s’entremêlent en une journée durant. Si la réappropriation de leur place dans la communauté s’opère par des personnages de fiction, la communauté mixtèque de San Mateo est bien réelle. Baigné dans sa lumière naturelle, et comme niché au creux des magnifiques paysages de la vallée d’Oaxaca, le village se dévoile avec ses véritables habitants qui, d’attendus figurants, interagissent avec les bases de scénario proposés par la réalisatrice pour raconter à plusieurs leur quotidien.

On découvre alors un système d’autogestion étonnant, où les assemblées publiques requérant la présence et le vote de tous, mettent à nu des vérités que l’on pourrait croire tues dans un microcosme aussi attaché aux valeurs traditionnelles. La scène dans laquelle l’oncle de Toña est sommé de répondre de ses actes et emmené par les hommes du village pour être jugé est particulièrement poignante, de même que celle dans laquelle Chabela confronte son époux Esteban sur son abandon du domicile conjugal.

Fort d’une écriture à la fois sensible et maîtrisée, film chorale autant qu’acte militant, Nudo Mixteco ouvre à son spectateur les portes d’une expérience unique en son genre, d’une sincérité portée par la générosité d’une communauté acceptant de se mettre à nu tout en confrontant son espace temporel et moral propre à celui des révolutions féministes.

Bande-annonce

8 décembre 2021 – De Ángeles Cruz
avec Dolores Heredia, Noé Hernandez et Aida López




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