LES MOISSONS DU CIEL
En 1916, Bill, ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Abby et sa sœur Linda quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l’opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Abby à céder aux avances d’un riche fermier, qu’ils savent atteint d’une maladie incurable…
Man versus Wild, vu par Malick.
Pas forcément considéré comme LE chef d’oeuvre de Terrence Malick, Les moissons du ciel bénéficie néanmoins d’une excellente réputation. Pourtant, le visionnage de ce long-métrage (ressorti récemment en salles après sa restauration supervisée) tend à confirmer combien le culte autour de celui-ci demeure terriblement infondé.
Si ce film devait être montré en école de cinéma, ce serait vraisemblablement pour illustrer le néant narratif. Avec ses ellipses incongrues et systématiques, ses dialogues d’une platitude affolante, ses errements contemplatifs au milieu des landes sauvages, Malick neutralise toute poésie et toute émotion et nous embarque de force dans son interminable fresque superficielle saccagée par un montage cauchemardesque et une voix-off insupportable de sottise.
L’auteur avait soi-disant comme ambition de traiter des sentiments humains (la passion, la jalousie et la trahison). De ce point de vue, Les moissons du ciel est un échec total. Incapable d’étoffer la psyché de ses personnages ou de diriger véritablement un minimum ses acteurs (qui, du coup, jouent atrocement mal), Malick joue la carte surannée du mutisme et de la pudeur pour masquer son incapacité à traduire les sentiments humains à l’écran. Chaque scène est perpétuellement amputée comme si le réalisateur choisissait chaque fois d’interrompre sa scène pour mieux filmer les paysages texans qu’il aime tant. Rien de surprenant au final : Malick vit reclus depuis trente ans, tel un marginal coupé du monde. L’homme ne l’intéresse pas, il préfère le filmer de loin pour peindre de beaux tableaux de coucher de soleil.
Les moissons du ciel rassemble tout ce qu’il y a de plus pénible dans son cinéma. Des personnages détestables à la limite de l’ignorance (la misanthropie du vieux Terrence suinte autant de chaque séquence que son amour de la nature) et une obsession maladive à « capturer l’instant » dans des scénettes d’une vacuité éprouvante : on se roule dans l’herbe ou la neige, on trempe ses pieds dans l’eau, on joue avec la nourriture et on chahute à tout bout de champ, on est tellement tourmenté par la jalousie qu’on décide de casser une bouteille en verre en prenant soin de l’énoncer avant (« Regarde, je vais casser cette bouteille »). C’est tellement artificiel que l’on s’en cognerait presque la tête sur le siège devant soi.
Le constat est triste à faire : Malick est capable du meilleur (La ligne rouge, Le nouveau monde) comme du pire (Balade sauvage, À la merveille). Filmeur majestueux et esthète, celui-ci semble en revanche totalement dépourvu de compétences scénaristiques dignes de ce nom. Si certaines de ses oeuvres comportent d’inestimables instants de grâce, l’ensemble de sa filmographie semble bâtie sur une immense esbroufe que la beauté des images ou de la musique ne parviennent parfois pas à dissimuler.
Avec Les moissons du ciel, Terrence Malick démontrait déjà qu’il ne serait qu’un cinéaste de la forme préférant filmer la nature plutôt que de sonder l’âme humaine. Beau mais atrocement vain et superficiel.
La ficheLES MOISSONS DU CIEL
Réalisé par Terrence Malick
Avec Richard Gere, Sam Shepard, Brooke Adams
Etats-Unis – Drame
1979 – 2014
Durée : 94 min