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LES CAHIERS ADJANI

Depuis quarante ans, je collectionne les articles du monde entier sur Isabelle Adjani, Couvertures, pages et photos que je découpe et colle dans de grands cahiers. Au cahier n°42, mon œil de réalisateur ose enfin se pencher sur cette collection de fan, devenue peu à peu secrète… Histoires d’objets, de collectionneurs, de famille et de temps : une vie partagée avec une star en photos.

Critique du film

Dans la chambre de beaucoup de jeunes garçons nés dans les années 70, il n’était pas rare de retrouver des posters de foot accrochés aux murs. Chez d’autres, c’étaient les photos de leurs groupes de musique préférés. Cyril Brody, le cinéaste derrière Les Cahiers Adjani, joli documentaire présenté au festival Chéries-Chéris, s’est, lui, découvert très tôt une passion dévorante pour les images d’Isabelle Adjani. Il en a tellement amassé que ses collages de photos et d’interviews consacrés à la vedette remplissent désormais des dizaines de cahiers.

La bonne idée de ce documentaire au sujet atypique et ultra-personnel est de confronter cette collection à un regard burlesque. Brody est pleinement conscient de l’extravagance de son entreprise et n’hésite pas à se filmer en train de classer les centaines d’images d’archives accumulées dans un tableau, afin d’éviter les doublons, ou encore de participer à des enchères avoisinant parfois la centaine de dollars pour mettre la main sur de vieux magazines où la vedette figure en couverture.

Les cahiers Adjani

Mais la distance initiale que le film installe avec son sujet tient aussi à la manière dont il érige un panorama des collections de son entourage, englobant ainsi sa propre singularité dans une multiplicité d’obsessions aussi extravagantes que la sienne. Sa productrice fait par exemple une apparition très drôle, présentant son armada de fèves de galette des rois ; avec une honnêteté hilarante, elle admet même qu’elle pourrait voler la fève d’un enfant pour agrandir sa collection. Il y a aussi la cousine, qui collectionne les sacs en plastique, tandis que la tante conserve dans des boîtes en carton des jouets autonomes vintages qui menacent à tout moment de tomber de la table si sa main ne faisait pas office de barrière mobile.

Passé ce coup d’œil fantasque sur ces différentes collections, le documentaire se désinhibe progressivement et dévoile les mécanismes profonds de l’engouement de Brody pour le visage d’Isabelle Adjani. Refuge après une rupture, alibi pour détourner les soupçons d’homosexualité, pont vers l’identité algérienne de sa famille : la collection cesse d’apparaître comme un simple détail de personnalité pour devenir le pilier même de son existence. Quid de la dépendance à la figure de l’actrice, ou d’une potentielle relation parasociale ? Brody n’explore pas les versants plus sombres de sa photothèque. Les Cahiers Adjani se veut avant tout une célébration des unicités qui font de chacun un être à part, et la démonstration convaincante que même les aspects apparemment frivoles de nos identités recèlent souvent leur part essentielle.


Chéries-Chéris 2025