featured_libis-rouge

L’IBIS ROUGE

Tandis que rôde un étrangleur, un homme tente de réunir le montant d’une dette de jeu mettant sa vie en péril.

Critique du film

Jérémie (Michel Serrault) est poursuivi par une vieille obsession qui lui vient de son enfance. Très jeune, alors qu’il travaillait son piano avec sa professeure particulière, une femme aux formes généreuses, il avait été profondément perturbé. Une mouche s’était posée au-dessus de la poitrine de la femme. Voyant là le prétexte de toucher sa professeure, le jeune Jérémie avait hésité quelques secondes de trop et, avec l’envol de l’insecte, avait laissé s’échapper une occasion en or de satisfaire une curiosité et un appétit charnel précoces. Cet événement avait non seulement provoqué une frustration immédiate du jeune garçon, mais plus profondément l’avait aussi traumatisé, le transformant à l’âge adulte en assassin de jeunes femmes qu’il étrangle avant de jouer avec les dépouilles et des mouches en plastique, rejouant le trauma originel de son enfance. 

Dès le début, le ton est donné dans cette adaptation loufoque d’un roman de Fredric Brown, écrivain américain de polars et de science-fiction. Une ambiance décalée, délicieusement outrancière, mêlée à une forme de poésie cafardeuse et blafarde, comme celle que l’on trouve dans les meilleurs films de Jean Rollin. En 1975, Jean-Pierre Mocky signait un de ses très bons crus, un long-métrage à l’humour très noir, dans lequel il offrait au grand Michel Simon un dernier tour de piste, entouré de comédiens à l’abattage certain : Michel Galabru en représentant en alcool piégé par une dette de jeu, Jean Le Poulain en véritable auvergnat, mais faux restaurateur grec. La distribution était complétée par Evelyne Buyle, en femme à la fois déçue par son mari – Michel Galabru – mais prête à l’aider, par Michel Serrault, donc en tueur en série maniaque et tiré à quatre épingles et comme toujours chez le réalisateur iconoclaste et bricoleur par une armée de troisièmes couteaux aux mines patibulaires et aux physiques atypiques. 

Dans ce film, plusieurs personnages sont acculés. Par une dette de jeu, comme Raymond, le représentant en alcool, par un besoin irrépressible de tout quitter et de se retirer au bord de la mer comme Margos, le restaurateur pour touristes, par une obsession meurtrière comme Jérémie ou encore par une tendance galopante à la mythomanie comme Monsieur Zizi, joué par Michel Simon, un marchand de journaux mythomane et misanthrope.

On a affaire à une comédie humaine qui prend place dans le quartier populaire du Canal Saint-Martin, mais aussi à un polar où le destin fait se croiser les chemins de personnages qui connaîtront une fin tragique ou s’en sortiront. Mais la vie n’est pas toujours juste et le monde ne tourne jamais bien rond devant la caméra de Jean-Pierre Mocky qui, à travers cette histoire égratigne au passage avec son irrévérence coutumière les anciens combattants, la religion – la prière de Jérémie – ou l’incurie policière. La perversité ordinaire qui sommeille chez certains n’est pas oubliée. Absurdité et non-sens parsèment ce film, aux belles couleurs vives, ce qui lui ajoute un certain charme un peu daté et à la musique signée Eric Demarsan.  


13 septembre 2023 (reprise) – De Jean-Pierre Mocky, avec Michel SerraultMichel SimonEvelyne Buyle


L’Ibis rouge est à nouveau visible en salles dès le 13 septembre, dans le cadre d’une rétrospective Jean-Pierre Mocky : Jean-Pierre Mocky, l’affranchi, 2ème partie distribuée par Les Acacias, avec douze films en versions restaurées 4K.

 




%d blogueurs aiment cette page :