JULIAN
Fleur et Julian tombent follement amoureuses et décident de se marier dans chaque pays où leur union peut être légalement reconnue. Portées par leur amour et leur engagement, elles s’élancent cœur et âme dans ce projet. Mais après seulement quatre mariages, leur parcours va s’interrompre brusquement…
Critique du film
Présenté en compétition au Festival du Film de Société de Royan, Julian de Cato Kusters porte en lui cette urgence fragile des histoires vraies qui refusent de tomber dans l’oubli. Adapté du récit déchirant de Fleur Pierets publié en 2023, le premier long-métrage de la cinéaste belge raconte l’histoire de deux femmes amoureuses qui décident de se marier dans les 22 pays où leur union peut être légalement reconnue. Un projet militant autant que romantique, qui se heurte à la plus cruelle des interruptions.
Fleur et Julian se rencontrent lors d’un concert. Un échange de regards, le cœur qui palpite soudainement et les yeux qui ne peuvent se détourner d’une nuque. Un hasard qui bouleverse tout. Elles tombent follement amoureuses. Quand Julian demande Fleur en mariage, cette dernière, journaliste ambitieuse, échafaude un plan audacieux : transformer leurs noces en tour du monde militant, se mariant dans chaque nation qui reconnaît leur droit d’exister en tant que couple. Munies de caméras, elles documentent cette aventure unique, conscientes que leur amour peut faire bouger les consciences là où les lois refusent encore de changer. Mais après seulement quatre mariages internationaux, le voyage s’interrompt brutalement avec une sentence qui ne pardonne pas.
Nina Meurisse, qui n’en finit plus d’éblouir à chacune de ses apparitions, compose une Fleur déchirée entre son besoin de témoigner et la douleur de perdre l’être aimé. Face à elle, Laurence Roothooft apparaît comme la révélation du film. Les deux actrices partagent une chimie exceptionnelle, exprimant avec subtilité leurs ambitions et valeurs différentes — Julian préférerait une vie simple et tranquille, tandis que Fleur transforme leur amour en projet politique. Leurs regards, leurs gestes tendres, tout est observé avec une délicatesse qui refuse le mélodrame facile.

Kusters fait naviguer le film entre passé et présent, nous montrant à la fois le couple heureux planifiant son tour du monde dans les années 2010, et Fleur seule, outre-Atlantique et dans un monde post-COVID, racontant son histoire. Ce montage non-linéaire brouille parfois les pistes temporelles, mais permet au spectateur de respirer entre bonheur et tristesse, entre espoir et chagrin. La réalisatrice observe Fleur dans différents états : amoureuse, soignante, puis veuve, les yeux rivés sur son ordinateur, revisitant les images d’un temps plus heureux.
Ce qui émeut profondément, c’est la détermination de Fleur à poursuivre leur projet même après la tragédie. Son combat pour préserver la mémoire de Julian, pour que leur histoire continue de résonner, témoigne d’un courage qui dépasse la simple résilience. Bien qu’elle soit physiquement seule, la voix et le visage de Julian refusent de laisser Fleur seule dans son deuil. Leur amour, interrompu de façon abrupte, se prolonge grâce à la volonté farouche de Fleur Pierets de le partager avec le monde.
À l’issue de la projection, la cinéaste affirmait ne pas se faire d’illusions : son film ne changera probablement pas les lois dans les pays qui interdisent voire criminalisent encore l’amour entre personnes de même sexe. Mais elle espère faire évoluer les esprits, un cœur à la fois. En ces temps de repli réactionnaire où les droits LGBTQ+ sont constamment attaqués, Julian rejoint cette constellation de récits lesbiens qui résistent par leur simple existence — des films qui affirment que l’amour, même foudroyé, mérite d’être célébré et raconté. Parce que raconter, c’est déjà refuser d’oublier. Et refuser d’oublier, c’est continuer de lutter.






