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HAMNET

Angleterre, 1580. Un professeur de latin fauché, fait la connaissance d’Agnes, jeune femme à l’esprit libre. Fascinés l’un par l’autre, ils entament une liaison fougueuse avant de se marier et d’avoir trois enfants. Tandis que Will tente sa chance comme dramaturge à Londres, Agnes assume seule les tâches domestiques. Lorsqu’un drame se produit, le couple, autrefois profondément uni, vacille. Mais c’est de leur épreuve commune que naîtra l’inspiration d’un chef d’œuvre universel.

Critique du film

Présenté en première française en fin de Festival de La Roche-sur-Yon, Hamnet confirme (enfin) Chloé Zhao comme l’une des grandes cinéastes de la douleur lumineuse. Adapté du roman de Maggie O’Farrell, qui co-signe le scénario, le film imagine la genèse de Hamlet à travers la tragédie traversée par William Shakespeare et Agnes Hathaway. La réalisatrice de The rider y trouve un miroir à ses obsessions : la nature comme refuge, la résilience comme trajectoire, et l’art comme forme de salut.

Nous sommes dans l’Angleterre du XVIᵉ siècle. Will (Paul Mescal), jeune précepteur fasciné par les mots, s’éprend d’Agnes (Jessie Buckley), une femme libre, mystique, qu’on dit « sorcière des bois ». Leur amour, charnel et solaire, se heurte aux conventions sociales avant de se muer en union féconde. Mais lorsque la tragédie frappe, Zhao choisit de filmer moins la mort que la métamorphose, celle d’un couple face à l’indicible. Hamlet devient alors le cri d’un père et la résurrection d’un fils – ou comment transformer la perte en création.

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Le film bouleverse parce qu’il embrasse la beauté et la terreur d’aimer. Donner la vie, c’est déjà accepter qu’elle nous échappe. Zhao traduit cette idée par une mise en scène d’une pureté picturale, où les images de Łukasz Żal (Ida) rappellent les toiles des grands maîtres, et la musique de Max Richter amplifie la résonance tragique sans jamais l’asservir. Tout y respire, tout y est vivant : le vent dans les arbres, les mains qui s’étreignent, les visages qui se rapprochent, éclairés à la bougie…

Mais c’est dans la direction d’acteurs que Hamnet atteint sa plénitude. Jessie Buckley livre une performance déchirante, à la fois terrienne et spirituelle, incarnation d’une femme blessée dont la douleur se confond avec la matière du monde. Face à elle, Paul Mescal impose un Shakespeare fragile, tiraillé entre culpabilité et passion, dont la colère se mue peu à peu en urgence créatrice. Leurs enfants – notamment les jumeaux Judith et Hamnet, interprété·e·s avec grâce par Olivia Lynes et Jacobi Jupe – deviennent les cœurs battants d’une œuvre traversée par le miracle et la perte.

Hamnet

La cinéaste sino-américaine s’éloigne volontairement du biopic ou du romanesque historique. Dans la lignée du roman, elle préfère interroger l’espace invisible entre les êtres, cet interstice où se logent la création, le deuil et le pardon. Dans Hamnet, aimer, enfanter ou écrire participent d’un même acte, offrir une part de soi au monde, accepter qu’elle se transforme et vous échappe à jamais.

Là où ses précédents films semblaient parfois prisonniers d’une grâce contemplative, Hamnet unit enfin rigueur, souffle et lyrisme. Sa mise en scène, d’une beauté céleste, capte la fragilité des corps et la permanence du monde avec une justesse sidérante. Zhao signe une méditation bouleversante sur l’amour, la filiation et la transfiguration artistique. Poétique, sensoriel, parfois insoutenable de beauté, Hamnet nous rappelle que si la vie est finitude, l’art, lui, demeure — et que dans cette offrande, comme le dit Shakespeare, « le reste n’est pas silence ».

Bande-annonce

21 janvier 2026 – De Chloé Zhao

Avec Jessie Buckley, Paul Mescal Emily Watson


La Roche sur Yon 2025